Peut-on chanter une histoire damour entre un taliban et une chrétienne, voire suggérer une idylle entre deux hommes au Pakistan ? Oui, mais en douceur et en chansons, répond Nabeel Sarwar, producteur de la première comédie musicale télé au « pays des purs ».
Car si lart adoucit les moeurs, la musique peut bien unir une nation dévorée par ses propres démons, assure ce quadragénaire au crâne dégarni, supervisant le tournage dans un immeuble bicentenaire, parsemé de charmants moucharabiehs décatis et perdu dans le dédale de la vieille ville de Lahore, la capitale culturelle du pays.
Dans la cour intérieure et sur la terrasse qui la surplombe, Nabeel et son équipe ont installé un décor de conservatoire de musique qui sert de trame à « Taan », une série télé où une douzaine de jeunes gens chantent leur vie sur des airs de classiques remis au goût du jour, sur le modèle de la série américaine « Glee ».
Lécole se veut un miroir de la complexité pakistanaise où sentrelacent les destins contrariés de ses héros, tels ce taliban et celle dont il est amoureux, une sublime chrétienne à la bouche de miel et aux cheveux de jais rescapée des violences de Gojra, ville du Pendjab où sept chrétiens furent brûlés vifs par une foule de musulmans en colère en 2009.
Deux autres de ces jeunes héros sont homosexuels et amants. Une condition taboue dans le pays mais suggérée dans « Taan » par une scène où on les voit danser et chanter en tunique traditionnelle dans une chambre exiguë sans jamais sembrasser. La parade finit par être interrompue par un islamiste radical.
« Je ne peux pas filmer de rapports physiques entre deux hommes, jintroduis donc un troisième personnage qui dit : « Dieu a créé Adam et Eve, pas Adam et Steve », souligne le réalisateur Samar Raza. Au Pakistan, les scènes « osées » des films étrangers sont expurgées par les autorités et les productions locales doivent rester prudes pour éviter les foudres de la censure dEtat.
« La religion nous divise, elle ne nous unit plus au Pakistan », pays fondé à lorigine pour donner un foyer national aux musulmans du sous-continent indien, mais « la musique, elle, nous unit », estime Nabeel Sarwar, avocat formé à Cambridge et Harvard, et devenu producteur sur le tas.
Pour « Taan » – « note de musique » en ourdou – Nabeel a négocié les droits dune centaine de titres de ténors de la musique pakistanaise comme le défunt maître des chants soufis Nusrat Ali Fateh Khan. Les morceaux ont été ré-enregistrés, les arrangements modernisés, les voix haut perchées atténuées.
Les invasions barbares ?
Le tournage de la série de 26 épisodes a commencé en février sur les toits de Lahore et connaît son lot de petits malheurs, comme en cette semaine de mai où un soleil de plomb défie la moindre initiative du genre humain. Dans les studios, le générateur est en surchauffe et plusieurs boudent, de lactrice devenue diva au comédien qui cuve sa gueule de bois chez lui, en passant par les techniciens en grève pour réclamer le versement immédiat de leur salaire.
Le ton monte, et léquipe se décide finalement à partir tourner une scène en extérieur lorsque le poulet grillé prévu pour le déjeuner est livré. A table, donc. Le tournage prend du retard, la scène est annulée, producteurs et techniciens se rabibochent. La première scène de la journée sera finalement tournée au crépuscule, au moment où le muezzin appelle les fidèles à la prière… Et le bal se terminera aux petites heures du matin.
Cest quil nest pas facile de tourner au Pakistan, pays de 180 millions dhabitants qui tente de résister à linvasion des films de Bollywood et des séries turques à leau de rose.
Les chaînes pakistanaises HUM, GEO, PTV et ARY investissent dans des séries locales, mais peinent à concurrencer « Manahil aur Khalil » et autres « Ishq-e-Mamnu » (Amour interdit), une « telenovela » turque aux personnages occidentalisés à la peau opaline, doublée à peu de frais en ourdou.
La popularité de ces comédies romantiques à la sauce stambouliote a provoqué ces derniers mois une vive polémique sur « linvasion ottomane » du petit écran au Pakistan, les producteurs locaux se plaignant de ne pas avoir les moyens de les concurrencer.
« La jeune génération regarde des séries turques et indiennes… mais personne ne sait parler du Pakistan comme les Pakistanais », souffle lactrice Yasmin Huq, qui se maquille devant un miroir aimantant la fine poussière des bazars.
Pour attirer les jeunes, Taan évoque des sujets sensibles – le terrorisme, la religion, lhomosexualité – dans un cadre ludique. Mais elle noublie pas les plus vieux, ceux qui contrôlent la télécommande dans les foyers, en berçant chacun de ses épisodes de classiques de la chanson locale.
La série, qui doit être diffusée à lautomne, prêtera-t-elle à controverse dans ce pays conservateur ? Des manifestations contre un film américain jugé anti-islam « linnocence des musulmans » avait fait plus dune vingtaine de morts au Pakistan en septembre dernier.
« Bien sûr que jai peur, tout le monde a peur. Personne ne veut appuyer sur un bouton qui causerait un désastre pour tout le monde, moi y compris », lance Nabeel Sarwar.
« Et pourtant, la vérité doit sortir. Il faut bien tracer une ligne et dire : regardez, voilà ce que nous sommes ! »
http://reunion.orange.fr/news/monde/pakistan-talibans-chretiens-et-homos-le-pays-se-lance-dans-la-comedie-musicale,652282.html
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« Des manifestations contre un film américain jugé anti-islam « linnocence des musulmans » avait fait plus dune vingtaine de morts au Pakistan en septembre dernier. »
« Bien sûr que jai peur, tout le monde a peur…Et pourtant, la vérité doit sortir. Il faut bien tracer une ligne et dire : regardez, voilà ce que nous sommes »
QUI ou QUOI, COMMENT, QUAND, pourra-t-on comptabiliser, un jour, les incommensurables dégâts collatéraux irréparables, commis par toutes les religion ?
Merci Ô Dieu de m’avoir épargné ce fléau !