… » On voit que, d’après Aristote, les Cigales sont de saveur exquise avant que soit rompue l’écorce ou enveloppe de la tettigomètre.
Ce détail de l’écorce non rompue nous apprend en quel temps doit se faire la récolte de la délicieuse bouchée. Ce ne peut être en hiver, pendant les profondes fouilles culturales, car alors n’est nullement à craindre l’éclosion de la larve. On ne recommande pas une précaution tout à fait inutile. C’est donc en été, à l’époque de la sortie de la terre, lorsque les larves peuvent se rencontrer une par une, en cherchant bien, à la surface du sol. Voilà le vrai et l’unique moment de prendre garde à ce que l’écorce ne soit pas rompue. C’est le moment aussi de se hâter dans la récolte et dans les apprêts culinaires : en quelques minutes l’écorce éclatera.
L’antique renommée culinaire, l’appétissante épithète « suavissima gustu », sont-elles méritées ? L’occasion est excellente, profitons-en ; remettons en honneur, s’il y a lieu, le mets vanté par Aristote. Rondelet, le savant ami de Rabelais, se fit gloire de retrouver le « garum », la célèbre sauce faite avec des entrailles de poissons pourris. Ne serait-il pas méritoire de rendre les tettigomètres aux gourmets ?
Une matinée de juillet, quand le soleil déjà brûlant engage les larves de Cigale à sortir de terre, toute la maisonnée se met en recherches, grands et petits. Nous sommes cinq à explorer l’enclos, les bords des allées surtout, points les plus riches. Pour éviter la rupture de l’écorce, à mesure qu’une larve est trouvée, je la plonge dans un verre d’eau. L’asphyxie arrêtera le travail de transformation. Au bout de deux heures d’une perquisition attentive, qui nous fait à tous ruisseler le front de sueur, me voilà muni de quatre larves, pas plus. Elles sont mortes ou mourantes dans leur bain préservateur ; mais qu’importe, destinées qu’elles sont à devenir friture !
La préparation est des plus simples, afin d’altérer le moins possible cette saveur qu’on dit exquise : quelques gouttes d’huile, une pincée de sel, un peu d’oignon, et voilà tout. La « Cuisinière bourgeoise », n’a pas recette plus sommaire. Au dîner, entre tous les chasseurs la friture se partage.
A l’unanimité, c’est reconnu mangeable. Il est vrai que nous sommes gens de bon appétit et d’estomac sans préjugé aucun. Cela possède même un petit goût de crevette qui se retrouverait, plus accentué encore, dans une brochette de criquets. Mais c’est coriace en diable, pauvre de suc, un vrai morceau de parchemin à mâcher. Je ne recommanderai à personne le mets glorifié par Aristote »…
Jean Henri Fabre.
Lien pour lire tout l’article: http://www.comby.org/insect/fabre/recette_cigale_entomo_fabre.htm
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A la Réunion, on mange des larves de guêpes en friture ou en
rougail 😉…