De client prostitueur à homme responsable : une démarche nécessaire .
Analyse psychologique des clients prostitueurs.
Notre société est soit tolérante, soit complice parce que ce commerce rapporte beaucoup dargent à lÉtat, par les taxes qui touchent tous les commerces annexes du marché du sexe. Ce sont encore les hommes qui sont majoritaires aux postes de décisions et beaucoup sont peu enclins à condamner les pratiques dautres hommes. Le sujet nest pas assez important à leurs yeux, ou assez urgent, à côté des questions économiques par exemple.
Banalisation de lexploitation sexuelle
La justice se borne à stigmatiser la prostituée, quelle considère comme une femme à part, vénale, par opposition à la femme ordinaire (honorable). Elle entérine cette distinction en ne mettant pas le même zèle à secourir lune et lautre ou à trouver, dénoncer et sanctionner les coupables.
Les médias, par la façon dont ils traitent les nombreuses agressions et meurtres de prostituées, participent à la banalisation du système. Ils en parlent comme de faits commis sur des « prostituées », des « filles », leur enlevant ainsi leur statut de « femme », ils rendent, par là même, le crime moins horrible en leur faisant porter implicitement une partie de la responsabilité. Ils ne manquent pas également de sintéresser au mal-être de lagresseur, qui bénéficie demblée de circonstances atténuantes, tandis que le vécu de la victime est ignoré.
La publicité, reflet de la société, a pour principal argument la jeune femme dénudée, objet sexuel. Le message implicite étant : acheter et consommer ce produit vous procurera une jouissance comparable à une jouissance sexuelle. Mais il fonctionne aussi inconsciemment dans lautre sens : cette jolie jeune femme est un produit de consommation sexuelle
La pornographie, dont les « clients » sont de grands consommateurs, et qui infiltre de plus en plus les différents secteurs sociaux, véhicule lidée que la relation sexuelle se résume à la pénétration et que les femmes aiment être forcées.
Pour beaucoup denfants et dadolescents, elle sera lunique source d »éducation sexuelle ». La pornographie prépare donc les garçons à être « clients » et les filles à trouver la prostitution normale
Elle fonctionne comme une publicité pour la prostitution en manipulant ses spectateurs. Il ne faut pas chercher ailleurs la raison de laccès la plupart de temps gratuit à la pornographie sur Internet. Pornographie et prostitution ont détroites connexions financières, et fonctionnent sur les mêmes inégalités avec souvent les mêmes victimes et les mêmes agresseurs.
Quant à lécole, deuxième pôle déducation après la famille, elle peine à se débarrasser de lenseignement différencié suivant le sexe et des clichés sexistes qui émaillent encore les manuels. Quand le cours déducation sexuelle est dispensé, il se résume, dans la grande majorité des cas, à lanatomie comparée des organes reproducteurs, en faisant limpasse sur le plaisir. Ce qui nuit particulièrement aux filles, puisque lorgane du plaisir chez la fille, le clitoris, nest pas joint à lorgane reproducteur contrairement au gland du garçon.
On peut donc parler dune clitoridectomie symbolique.
Les hommes apprennent ainsi à ne pas se soucier du plaisir des femmes, par méconnaissance dabord. Et cela rend difficile laccès au plaisir sexuel pour les filles, par ignorance de leur propre corps. Le rapport sexuel est présenté comme une mise à disposition du corps de la femme pour le coït, où il lui est intimé de trouver son plaisir, pour la jouissance de lhomme. Dans la prostitution, ce schéma inégalitaire est caricaturé.
Notre société, en permettant à lhomme lusage du corps des prostitué-e-s, donc des femmes, puisque la différence entre lépouse, la mère et la putain ne tient quà la place que les hommes lui donnent, lempêche de chercher des solutions durables, définitives, adultes et respectueuses de lui-même et des autres.
Elle lempêche de se poser ces questions : que faire de ma frustration sexuelle ? Quest-ce quêtre un homme ? Où sarrête ma liberté ? Nest-ce pas une faiblesse de ne voir que lindustrie du sexe comme solution ? Ne suis-je pas aussi victime de ce commerce en étant le fournisseur dargent ? Ne suis-je pas naïf de croire que cest un service qui mest offert, et pas un système qui profite de mes manques pour me faire payer le plus possible ?
Notre société nous fait croire quil serait positif de réaliser nos fantasmes, y compris sexuels, et lindustrie du sexe en a bien compris lintérêt commercial. Un fantasme est nécessaire en tant que fantasme, pour soutenir limaginaire et le plaisir. En permettant de lanticiper, il est lui-même un plaisir. Il permet une régulation des désirs inconscients, nécessaire à la bonne santé psychique. Le fantasme entretient un manque, donc le désir. Nous pouvons même fantasmer sur un acte ou une personne qui, en vrai, ne nous procurerait que du dégoût ou de la souffrance
Avec le rêve et la sublimation, il est lui-même une façon de décharger la pulsion, sexuelle ou non.
Le passage à lacte, ici lachat de « services sexuels », est le signe dun développement inachevé du « devenir adulte », dune construction bancale du Moi, coincé au stade de lobjet partiel (Mélanie Klein), position très archaïque, originaire, précédant le langage. La réalisation dun fantasme, parce quil sera doffice soumis aux limites du réel, ne peut quêtre décevante. Il prive de la liberté infinie du fantasme qui tient sa puissance de plaisir justement de son écart avec le principe de réalité.
Refus de légalité hommes-femmesUn autre effet de lachat de sexe est que lhomme consommateur de prostituées a des relations malsaines, dégradées avec les autres femmes, et toute la société en paie les conséquences. Les « clients » sont beaucoup plus nombreux à agresser sexuellement (en paroles ou en actes) les femmes de leur entourage Pour beaucoup dentre eux, en effet, toutes les femmes sont réduites à un rôle utile pour les hommes : le sexe, lentretien, les tâches de services en général. Cela freine (empêche) laccès à légalité hommes-femmes, donc pénalise la société toute entière, et cela restreint et appauvrit leurs échanges sociétaux en général puisque ces hommes se privent de la moitié du genre humain comme interlocuteur valable.
Lhomme consommateur de prostituées apprend aussi à être un mauvais amant puisquune prostituée, pour en être plus vite débarrassée, le fait éjaculer le plus vite possible et refuse les préliminaires. De plus, il napprend rien sur la sexualité féminine, ou apprend à ne pas se soucier du plaisir de sa partenaire, puisque la prostituée ne veut évidemment pas dorgasme. Le « client » peut uniquement espérer un soulagement organique masturbatoire.
Ce soi-disant échange économico-sexuel nest quun marché de dupes. Seul largent est réel, le reste est une sordide comédie. Ni attention, ni relation, juste un peu de sexe extorqué, du mépris, du dégoût
Des massages en guise de caresses et une pénétration avec force lubrifiant en guise de relation sexuelle
Le « client » est à la fois complice du système en étant lacheteur, clef de voûte de ce commerce et victime puisque trompé par ce système qui lui vend du faux en le manipulant.
Quant aux hommes – la grande majorité – qui ne sont pas et ne seront jamais « clients », (85 à 90 % en France), ils subissent un préjudice en étant doffice classés parmi les « clients » potentiels, soupçonnés des manques détaillés plus haut, même si certains apprécient que la prostitution existe parce quelle institutionnalise linfériorité des femmes. Leur sentiment un peu défaillant dêtre un homme sen trouve consolidé sans effort. On peut expliquer, par là aussi, la faible participation demblée des hommes au mouvement abolitionniste. Les hommes portent donc eux aussi le stigmate de la prostitution, comme le dit Max Chaleil :
Tout homme, quel quil soit, quels que soient sa volonté personnelle, son âge, son état civil est un client potentiel. Ainsi notre société patriarcale restreint considérablement lautonomie de lexpression et du ressenti de la sexualité des hommes. Parce que la prostitution existe, les hommes se voient conditionnés à une sexualité où il leur faut être capables dêtre « clients ».
Être adulte, cest canaliser et sociabiliser ses pulsions, être autonome, indépendant, se respecter, respecter lautre comme soi-même, faire « avec » ses manques, bref, sublimer, faire de cette énergie sexuelle un puissant moteur de création.
Un travail à faire sur soi-même
Lhomme client se doit, pour lui, pour les autres hommes, pour les femmes, pour la société enfin, de prendre conscience que les solutions aux frustrations qui le font souffrir sont en lui. Il nexiste pas de solution extérieure, cest une illusion entretenue par le commerce du sexe grâce à la tolérance et à la passivité de notre société.
En lui se trouvent la résolution, la solution définitive de ce mal à être, les réponses quil cherche et ne peut pas trouver dans lachat de sexe.
Certains font seuls ce travail. La prise conscience se fait progressivement ou soudainement. Un événement, comme la naissance dun enfant, une rencontre marquante, lève le voile qui masquait la réalité. Ils laissent alors grandir en eux lempathie et il leur devient alors impossible de continuer dutiliser dautres personnes, comme ils ne voudraient pas être utilisés eux-mêmes ou que ceux et celles quils aiment soient utilisé-es. Dautres auront besoin de laide dun thérapeute pour avoir accès à cette évidence et voir en lautre un alter ego.
La paix, léquilibre, lamour de lui-même et des femmes, le plaisir de la séduction et de lattente, la découverte du plaisir sexuel donné et reçu, lui viendront, alors, dun travail personnel, dun face à face (affrontement ?) avec son histoire et ses blessures. Ne se sentant plus menacé par les femmes, il pourra abandonner lidée fausse que la masculinité se construit sur lavilissement de la féminité.
Reconnaître et accepter les failles parentales et les siennes propres lui permettront de se réparer, de se reconnecter avec ses émotions, dachever le processus du « devenir adulte » et davoir accès à une sexualité épanouissante et respectueuse de lui-même et des autres.
Lire la première partie de cet article : « Le client, premier agent de la prostitution ».
Texte transmis à Sisyphe par lauteure et publié le 22 juillet 2009 dans son blogue, En quelque sorte.
Bibliographie de cet article :
– Élaine Audet, Prostitution, perspectives féministes, Montréal, éditions Sisyphe, 2005. Lien Internet.
– Julie Bindel et Liz Kelly, A Critical Examination of Response to Prostitution in Four Countries : Victoria, Australia ; Ireland ; the Netherlands and Sweden, London Metropolitan University, 2003. Lien internet en PDF.
– Saïd Bouamama, « Lhomme en question, le processus du devenir client de la prostitution », Étude du Mouvement du Nid, 2004. Lien internet en PDF.
– Max Chaleil, Prostitution : le Désir mystifié, Parangon, 2002.
– Claire Fleury, « Ils-Elles sengagent : Interview de Lilian Thuram », Le Nouvel Observateur, No 2165, du 4 mai 2006. Lien internet.
– Shere Hite, Le Nouveau Rapport Hite, Robert Laffont, 2002.
– Shere Hite, Le Rapport Hite sur les hommes, Robert Laffont, 1981.
– Claudine Legardinier et Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, lenquête, Presses de la Renaissance, 2006.
– Jan Macleod, Melissa Farley, Lynn Anderson and Jacqueline Golding, Challenging mens demand for prostitution in Scotland A research report based on interviews of 110 mens who bought women in prostitution, publié par « Womens Support Project », 2008.
– Sven-Axel Mansson, Les pratiques des hommes « clients » de la prostitution : influences et orientations pour le travail social, Université de Göteborg. Étude, 2003. Article sur Sisyphe ou sur SOS Femmes.
– Richard Poulin, Abolir la prostitution, Montréal, éditions Sisyphe, 2006.
– Richard Poulin, La mondialisation des industries du sexe, Ottawa, Interligne, 2004.
– Prostitution et Société, n° 148, « Philippe Brenot, psychiatre », par Claudine Legardinier, mars 2005. Lien internet.
– Prostitution et Société, n° 155, « Témoignage de Julien », propos recueillis par Claudine Legardinier, février 2007. Lien internet.
– Serge Raffy, « Coupe du monde et prostitution, la nouvelle industrie du sexe », Le Nouvel Observateur, n° 2165, 4 mai 2006. Lien internet.
– Dr Judith Trinquart, La Décorporalisation dans la pratique prostitutionnelle : un obstacle majeur dans laccès aux soins, thèse de Doctorat dÉtat de Médecine Générale, Paris, 2002. Lien internet format PDF.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 octobre 2009.
(11 novembre 2009 par Lora Crohain)
Source – http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3419 –
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L’Express de Maurice, du 24 décembre: « Saisie de films porno, tournés à Maurice, avec des acteurs mauriciens « …
Partout, on n’arrête pas le progrès, en ce qui concerne les…nanas!!!