(Sublime Sappho par le peintre Charles-Auguste Mengin, en 1877)
[ Son nom est associé à lhomosexualité féminine : le nom de lesbienne, qui désigne toujours et dabord une habitante de lîle de Lesbos, est devenu le terme moderne pour désigner une femme qui aime une autre femme en remplacement du terme vieilli de tribade. Cest un premier hommage à lhabitante la plus célèbre de lîle, qualifiée de « dixième Muse » par Platon et réputée aimant les femmes dès lAntiquité. Quant à ladjectif « saphique », il qualifie lui aussi des relations amoureuses entre femmes et il est une adaptation transparente du nom de cette femme grecque qui vécut au VIIe siècle avant JC.
Mais que savons-nous vraiment de Sappho ?
Disons dabord que rien ne subsiste de son écriture ou de documents de son époque. Tout ce que nous savons delle est dû à des citations, des fragments recopiés de ses poèmes et des présentations faites par des auteurs masculins qui lui sont tous bien postérieurs. Un voile dombre la recouvre que rien ne peut contribuer à faire lever. Il faut donc se résoudre à bien des incertitudes.
Selon les études des spécialistes, Sappho serait née dans la bourgade dEressos sur lîle de Lesbos vers 630 avant notre ère. Lesbos est la troisième plus grande île ionienne. Dorigine volcanique, elle est essentiellement montagneuse et très verdoyante : elle est encore aujourdhui surnommée lîle démeraude car elle jouit dune flore dune très grande variété. Au VIIe siècle, lîle est entre les mains de tyrans qui se succèdent à force de coups dÉtat. Laristocratie, dans ce contexte, domine la vie politique, sociale, économique et culturelle.
Il semble que Sappho appartienne à une famille aristocratique. On ne sait rien de son père, un certain Skamandronymos, ni de sa mère, Cléis, à part quils étaient peut-être des opposants politiques aux tyrans en place. Sappho parle de deux de ses frères : Charaxos, son frère aîné, qui était marchand de vin en Égypte et un autre frère, Larichos, qui était échanson officiel dans les cérémonies publiques de Mytilène.
Il est probable quelle ait été mariée à un certain Kerkôlas, marchand, et quelle ait eu de cette union une petite fille, Cléis. Toutefois, si elle écrit un poème à sa fille, elle ne parle jamais de son mari et aucun des fragments qui lui sont attribués ne parlent dun amour pour un homme…
…Toutefois, les très nombreuses allusions antiques à ce qui commence à être appelée l« homosexualité » de Sappho font leur apparition.
En 1847, Émile Deschanel fait sensation dans un article de la Revue des Deux Mondes où il écrit :
« Il ne faut pas altérer la vérité par amour de lidéal. Nous croyons donc, en effet, que Sappho fut ce qu’étaient les autres Lesbiennes, et qu’elle ne se distingua d’elles que par le génie. Bien plus, d’après une tradition très répandue et arbitrairement contestée, elle fut Lesbienne dans toute l’étendue de ce terme. « Ce ne sont pas les hommes, dit Lucien, qu’aiment les Lesbiennes. » Et, en effet, le nom de Lesbienne et le verbe aimer à la lesbienne sont demeurés dans la langue grecque comme des témoignages irrécusables de cette affreuse dissolution. Certes, nous voudrions pouvoir penser que notre Sappho, un si grand poète, fut exempte de ces souillures ; mais, comme nous aimons encore plus, la vérité que l’idéal, c’est à l’opinion contraire que nous nous rangeons à regret. En vain allègue-t-on que cette opinion ne se trouve exprimée que par des écrivains qui vinrent long temps après elle : cela ne prouve qu’une chose, c’est que, de son temps, cette corruption était trop générale pour être remarquée. La morale ne s’en indigna que plus tard, et encore assez faiblement. Ovide nomme quelques-unes des amies de Sappho, et il ajoute (c’est Sappho qui parle) : « Et cent autres que j’ai aimées non sans péché ».
En 1885, Henry Thornton Wharton publie Sappho: Memoirs, Texts, selected Readings and a Literal Translation qui devient un ouvrage de référence à la fois populaire et très influent. Le peintre préraphaélite Siméon Solomon peint plusieurs toiles consacrées à Sappho qui mettent en avant son amour pour Erinna.
Renée Vivien se fait lhistorienne de Sappho et en fait son modèle à la fois poétique et amoureux. Voici ce quelle écrit en 1903 dans Sapho Traduction nouvelle avec le texte grec :
En face de linsondable nuit qui enveloppe cette mystérieuse beauté, nous ne pouvons que lentrevoir, la deviner à travers les strophes et les vers qui nous restent delle. Et nous ny trouvons point le moindre frisson tendre de son être vers un homme. Ses parfums, elle les a versés aux pieds délicats de ses Amantes, ses frémissements et ses pleurs, les vierges de Lesbôs furent seules à les recevoir. Na-t-elle point prononcé cette parole si profondément imprégnée de ferveur et de souvenir :
« Envers vous, belles, ma pensée nest point changeante. »
Elle traduit son mépris pour le mariage par ce vers : « Insensée, ne te glorifie point de lanneau, » et repousse avec dédain loffrande poétique dAlcée. Elle a le calme des êtres immortels, à qui la contemplation de léternité est familière : «
jai lâme sereine. »
Renée Vivien et Nathalie Clifford Barney firent des pèlerinages amoureux à Lesbos et à Mytilène qui deviennent au début du XXe siècle une destination lesbienne. Toutes deux essayèrent de recréer un cercle de femmes qui se vouent à lamour entre femmes, sur un modèle fantasmé du cercle de Sappho à Mytilène.
En 2008, Sappho et Lesbos font toujours écho à une bien étrange histoire qui na plus rien à voir avec la Sappho historique. En voici une preuve avec le film russe Sappho qui relate une histoire entre deux femmes dans le cadre de lîle grecque de Lesbos. ]
Stéphanie Bee (21 Septembre 2009)
Source Univers-L.com
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« Mais le triomphe du christianisme a largement contribué à la destruction de son uvre. Le seul poème qui nous soit parvenu en sa totalité est lHymne à Aphrodite »(Philippe Renault)
l’Hymne à Aphrodite.
Royale et immortelle Aphrodite,
fille de Zeus, pleine de ruses, je t’en supplie,
ne soumets pas mon âme aux dédains
ni aux chagrins.
Viens ! Jadis, entendant ma voix au loin,
tu m’avais écoutée
et laissant là le palais doré de ton père,
tu étais venue.
Battant des ailes et fendant le ciel,
les rapides colombes attelées à ton char
te menaient autour
de la sombre terre.
Et déjà tu étais là, ma déesse, le visage
souriant, soucieuse de la pensée et du désir
de l’âme insensée
qui t ‘avait appelée.
Qui dois-je persuader de taimer encore,
ma Sappho? Qui t’a blessée?
Si elle te fuit, elle courra bientôt toi.
Si elle refuse tes cadeaux, elle t’en offrira bientôt.
Si elle ne taime pas; elle t’aimera bientôt,
même sans lavoir voulu.
Cette fois encore, viens à moi, délivre-moi de mes peines,
exauce les souhaits de mon cur.
Sois mon alliée.
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A partir de fragments reconstitués:
A l’aimée.
Heureux! qui près de toi, pour toi seule soupire,
Qui jouit du plaisir de t’entendre parler,
Qui te voit quelquefois doucement lui sourire.
Les Dieux dans son bonheur peuvent-ils l’égaler ?
Je sens de veine en veine une subtile flamme
Courir par tout mon corps, sitôt que je te vois :
Et dans les doux transports où s’égare mon âme.
Je ne saurais trouver de langue ni de voix.
Un nuage confus se répand sur ma vue.
Je n’entends plus : je tombe en de douces langueurs;
Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue,
Un frisson me saisit, je tremble, je me meurs.
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» Mais le triomphe du christianisme a largement contribué à la destruction de son uvre ».
Comme il a détruit d’autres témoignages inestimables de civilisations: en Amérique Latine, en Egypte, etc…
Maudites soit, TOUTES les religions, qui n’en finissent pas de semer des horreurs, partout dans le monde : pédophilie, obscurantisme, terrorisme, guerres, discriminations et injustices insupportables envers les femmes, lapidation, etc…