Le désir des hommes et le "prêt-à-jouir"…

Par Nancy Huston (Romancière et essayiste) :

« Quand les hommes n’arrivent plus à aimer les femmes, dit Baldwin à la fin de ce dernier essai(La Prison mâle), ils cessent aussi de s’aimer, de se respecter et de se faire confiance entre eux, ce qui rend leur isolement complet.Rien n’est plus dangereux que cet isolement-là, car les hommes commettront n’importe quel crime plutôt que de l’endurer. ».

————————–

… » le débat autour de la pénalisation éventuelle des clients des prostituées et les réactions ineptes à ce projet (genre « Manifeste des 343 salauds ») pourraient nous inciter à relire ce grand écrivain, notamment son roman Un autre pays (Gallimard, 1996) ou son essai consacré à Gide, La Prison mâle (paru dans Personne ne sait mon nom, Gallimard, 1998). « Quand les hommes n’arrivent plus à aimer les femmes, dit Baldwin à la fin de ce dernier essai, ils cessent aussi de s’aimer, de se respecter et de se faire confiance entre eux, ce qui rend leur isolement complet. Rien n’est plus dangereux que cet isolement-là, car les hommes commettront n’importe quel crime plutôt que de l’endurer. » Comme ce serait utile, pour ne pas dire merveilleux, que de temps à autre, l’on cesse de parler du « problème féminin » et que les hommes s’intéressent à eux-mêmes en tant qu’ils sont singuliers.

Baldwin sait que la prostitution est une fausse solution à un vrai problème. « Un temps, cela lui avait paru plus simple. Mais même le plaisir simple, acheté et payé, ne mettait pas longtemps à faillir – le plaisir, s’avérait-il, n’était pas simple. (…) Peu à peu, contre son gré, il fut forcé de se rendre compte qu’il avait couru les risques ni pour tester sa virilité ni pour rehausser son sens de la vie. Il s’était réfugié dans l’aventure du dehors pour éviter les heurts et la tension de l’aventure qui, dedans, avançait inexorablement. » L’on évite de regarder ce qui se passe à l’intérieur. L’on évite de parler du sens de la vie, des difficultés d’entente entre les sexes… L’on va au plus vite : aventure du dehors…

…… »Prostitution et pornographie cristallisent, en ceux – et bien sûr en celles, moins nombreuses – qui les consomment, le non-contact, le non-partage, l’impersonnalisation de leur propre corps. Il faut lire James Baldwin, Rainer Maria Rilke, Tarjei Vesaas. Etudier les nus en peinture. Sauver ce qui, de l’humain, peut l’être. Tenter d’arrêter les dégâts… non pas contre les hommes, mais avec eux »…(Extraits).

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/11/10/le-desir-des-hommes-livre-a-l-industrie-du-pret-a-jouir-par-nancy-houston_3511441_3232.html

***************************************************************************

« Aujourd’hui, on se trouve dans une situation hautement paradoxale qui, n’étaient-ce les dégâts qu’elle entraîne, confinerait au comique. Grâce à nos médias performants et omniprésents, on reçoit chaque jour d’innombrables messages sauvages primitifs antiques pour ne pas dire préhistoriques : l’homme est un guerrier déchaîné meurtrier musclé violent ; la femme est une chose à décorer, à maquiller, à habiller, à déshabiller, à protéger, à sauver, à frapper et à baiser. Les hommes se rentrent dedans, en politique, en économie, en sport, sur les champs de bataille, les femmes s’occupent indéfiniment d’être belles et/ou maternelles…

« Comme ce serait utile, pour ne pas dire merveilleux, que de temps à autre, l’on cesse de parler du « problème féminin » et que les hommes s’intéressent à eux-mêmes en tant qu’ils sont singuliers. »

En effet !!!

Avatar de Inconnu

Auteur : Tingy

Romancière féministe : je viens de publier " Le temps de cuire une sauterelle " :-)) Et de rééditer : "Le Père-Ver" et "Le Village des Vagins" (Le tout sur Amazon) ... et peintre de nombreux tableaux "psycho-symboliques"... Ah! J'oubliais : un amoureux incroyable, depuis 46 ans et maman de 7 "petits" géniaux...

2 réflexions sur « Le désir des hommes et le "prêt-à-jouir"… »

  1. Ce matin sur France Inter, Stéphane Blachowski s’est amusé à chercher comment rendre les hommes moins violents. Il suggérait de les traiter comme les taureaux, chevaux et autres boucs que l’on calme en leur coupant les couilles. Et il recommandait aux épouses d’accepter ce petit sacrifice, ainsi seraient-elles sûres de garder leurs maris.

    Les hommes malmènent les femmes parce qu’ils sont plus forts. Blachowski l’a souligné, mais a observé ensuite que les conductrices parisiennes dans leur tonne de ferraille qui n’ont rien à craindre des mâles en vélos, même très puissants, les traitent à leur tour de manière très agressive. Il a conclu: Une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son compagnon, mais deux enfants par jour décèdent à cause des violences de leurs parents – et la plupart des infanticides sont commises par les femmes…

    Il y aurait beaucoup de choses à couper… ou à reconstruire.

    J’aime

  2. « Il y aurait beaucoup de choses à couper… ou à reconstruire. »

    Vous avez raison!

    « la plupart des infanticides sont commises par les femmes »…

    Ces femmes mariées/concubines, tuent des bébés, qui en fait… « n’existent » pas pour elles: on leur a mis un « truc » dans le ventre, alors qu’elles, elles se pliaient juste au devoir conjugal,-effrayées à l’idée d’attraper le cancer avec la pilule ou rebutées par d’autres moyens douloureux, inconfortables ou peu sûrs; ou encore pour ne pas encourager leur mari/compagnon, à « aller voir ailleurs »…

    Ce n’est pas une excuse, mais un constat…

    Quant à la suggestion de « calmer les hommes violents en leur coupant les couilles »

    Je suis partante… d’autant plus que je n’aurais pas à consentir à un sacrifice, concernant Monamoureux: plus calme, tu meurs 😉

    J’aime

Répondre à PB Annuler la réponse.