(fusain).
George Yvetot:
« Oui, que les femmes pensent à elles, puisque les hommes ny pensent que pour en jouir et pour les faire souffrir.
Vraiment, cest à croire quelles ne comptent pas dans lhumanité. Aucune liberté ne leur est donnée, alors que toutes leur sont dues. Elles ont contre elles la force, la brutalité, la bestialité, légoïsme du mâle. Celui-ci, non content de ces formes directes de domination, en a imaginé dautres encore, sous lhypocrisie des morales, des religions et des lois.
Et la pauvre femme, ficelée de préjugés, abrutie de morale, opprimée de légalité ne peut que craindre et se soumettre.
Vous pouvez les compter les femmes qui savent saffranchir, qui osent se révolter. Et vous pouvez voir aussi ce que la plupart deviennent.
La société est organisée de façon que toute velléité dindépendance est comprimée par toutes sortes de causes ou de conséquences pour lindividu qui ne sadapte pas au mal ambiant. Mais la femme est surtout destinée à être meurtrie à la moindre révolte, au moindre signe dindépendance, à la plus légère manifestation de son individualité.
Cest pour sa beauté, cest pour sa douceur, dit-on poétiquement que nous aimons la femme. Mensonge ! Cest pour son bonheur à lui que lhomme aime la femme. Cest pour sa faiblesse et pour sa passivité quil lenchaîne à son sort. Il ne fera jamais rien pour la rendre vraiment libre. Il en a trop besoin comme « domestique ou comme courtisane » ; il est trop heureux de lassouvir à ses désirs, à sa passion.
Aussi, quand la femme sen venge, ma foi, elle na jamais tort.
Et nous-mêmes, militants, soyons francs, ce sont des mots et des phrases ce que nous disons de beau, ce que nous disons de bien sur la femme. Au fond, nous sommes aussi égoïstes que les autres, avec encore plus dhypocrisie.
Pourquoi ?
Parce que nous ne faisons rien, rien, rien qui concorde réellement avec nos théories sur légalité des sexes.
Parce que, bien quil soit avéré que, dans notre société actuelle, la femme na quun moyen de saffranchir de la tutelle du mari qui la nourrit et la domine : le travail, nous faisons tout pour lui barrer la route daccès aux emplois de ses forces et de son intelligence. Et, pour cela, nous prenons des moyens hypocrites ; nous invoquons des raisons de sentiment, dhygiène, de morale.
Tartufes, que nous sommes. Disons plutôt que nous trouvons plus facile de lempêcher de sémanciper par le travail que de lui faire conquérir un salaire égal à celui de lhomme pour un travail égal ou même inférieur au sien.
La CGT a donc entrepris une campagne de diminution des heures de travail.
Une question bien pratique et bien sérieuse fait partie de cette campagne, cest celle de la semaine anglaise. Sil est une conquête où la femme ait intérêt, cest bien celle-là.
Il se pourrait encore, hélas, quon oublie la femme dans une telle revendication !
Il ne faut pas quil en soit ainsi.
La femme a sa part, sa trop large part dans la misère sociale, dans lesclavage ouvrier et nous nous devons, militants ouvriers, de la sortir de sa situation encore plus affreuse que la nôtre.
Comment ? Dans lobstinée propagande en sa faveur. En linvitant à soccuper enfin de ses intérêts ; en la persuadant que son sort est améliorable et en lui donnant la conviction quil ne le sera que par ses efforts et par sa volonté, en comptant sur elle-même.
Et nous arriverons à des résultats, si, nous-mêmes, militants mâles du syndicalisme, nous avons le respect de la valeur de la femme ; si nous-mêmes, nous savons lencourager au lieu de nous moquer delle ; si nous-mêmes, nous savons voir en elle une malheureuse dont le sort est pitoyable et si nous-mêmes enfin, nous commençons à reconnaître que nous ne sommes point étrangers à la situation de la femme par notre orgueil imbécile, par notre égoïsme sans nom et par notre lâcheté.
Que les politiciens dédaignent la femme non-électeur, ça se comprend ; que les religieux la méprisent, cest normal ; que les législateurs et les moralistes linfériorisent et que les imbéciles sen moquent, cest naturel. Mais que des ouvriers obéissent à dabsurdes préjugés ou à dineptes questions de sentiment, cest inadmissible, cest honteux.
La campagne de la CGT doit tendre à nous montrer la femme exploitée, comme légale de lhomme exploité. La misère na pas de sexe, la révolte non plus. La misère est un fait : elle accable une partie du genre humain, sans distinction de sexes. La révolte est un sentiment, il est au cur de tous ceux qui en sont dignes, hommes ou femmes.
Or, cest la misère qui peut contribuer à faire naître au cur la révolte. Et cest la révolte qui peut engendrer laction révolutionnaire.
Pour cette action révolutionnaire, la femme a prouvé quelle savait ce quelle pouvait faire en maintes occasions de notre lutte sociale.
Pour quelle soit avec nous à la prochaine occasion, pour quelle facilite le triomphe espéré, groupons-la, éduquons-la, entraînons-la dans notre voie syndicaliste. Inculquons-lui le principe superbe de la CGT : « Travailleur, fais tes affaires toi-même ». Disons lui : Femme, ne compte que sur toi, aide-toi et
ce nest pas le ciel qui taidera, mais toux ceux dentre nous qui ont des sentiments purs et une conviction forte.
Pour la diminution des heures de travail, pour la semaine anglaise, que la femme soit avec nous ! »
George Yvetot « Que les femmes soient avec nous »-Le Libertaire -20/04/1912
http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=247&auteurid=
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» militants mâles du syndicalisme, nous avons le respect de la valeur de la femme ; si nous-mêmes, nous savons lencourager au lieu de nous moquer delle ; si nous-mêmes, nous savons voir en elle une malheureuse dont le sort est pitoyable et si nous-mêmes enfin, nous commençons à reconnaître que nous ne sommes point étrangers à la situation de la femme par notre orgueil imbécile, par notre égoïsme sans nom et par notre lâcheté »…
Qu’ajouter de plus ?
Il faudrait …RETIRER les mots « militants » et « syndicalisme »…
Ça concerne TOUS les mâles !
…Orgueil, force, brutalité, bestialité, imbécillité, égoïsme, lâcheté, manque de respect… n’en jetez plus !
Ce texte est de …1911 !
Qui pourrait encore douter que le monde a… régressé, pour ce qui en est du RESPECT concernant les femmes, qui, entre autres, s’achètent dans d’immenses parcs à bestiaux sexuels pour hommes, qui prospèrent un peu partout dans le monde…
RESPECT qui englobe…TOUT
L’INTEGRITE physique, morale, psychique…
» Vous pouvez les compter les femmes qui savent saffranchir, qui osent se révolter »….
Alors, aider les autres ?
» En linvitant à soccuper enfin de ses intérêts ; en la persuadant que son sort est améliorable et en lui donnant la conviction quil ne le sera que par ses efforts et par sa volonté, en comptant sur elle-même. »
Sauf que le formatage social, familial et religieux, est plus fort que …
Le choix de la liberté d’être SOI !