
[ Madame Parité commence fort en renvoyant les femmes
au bordel !
(brève publiée le 25 mars 2010)
Léternel sondage sur les maisons closes ranime une nouvelle fois les conversations de bistrot. Voilà que 59 % (1) des Français opinent du bonnet pour les rouvrir, dont 70 % dhommes (pour 49 % de femmes, quel écart !), mus par un élan de nostalgie pour les tentures rouges et les miroirs sans tain. Les Verts, sans doute inspirés par des projets de bordel écologique, sillustrent avec un pic à 69 % de voix favorables.
Ce ne serait rien sils nétaient encouragés dans leur réflexe antédiluvien par Chantal Brunel (2) (UMP), qui, en tant que rapporteure générale de lObservatoire de la Parité, ne trouve rien de mieux, pour aider les femmes à simposer au Parlement, que de commencer par les orienter vers le bordel le plus proche.
Bordel ? Pardon : maison « ouverte ». La maison close a du plomb dans laile ? Appelons-là « maison ouverte ». « Ouverte » vous a tout de suite un petit air de liberté, un côté jeune et engageant.
« Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots », disait Jaurès. Partagée entre le vocabulaire fleuri et leuphémisme, la droite la plus conservatrice a égrené des décennies de fantasme patriarcal et hygiéniste, nous vantant tour à tour les « cliniques sexuelles » (1970, Claude Peyret, député RPR), et autres « espaces de liberté » (1986, Henri Bouvet, député UDF). Il restait, en 2010, à tenter les « maisons ouvertes », ce que fait Chantal Brunel en proposant que les femmes prostituées se regroupent « comme les experts comptables ». Elle emboîte ainsi le pas à léminent Jacques Médecin (RPR) qui proposait il y a
40 ans de « regrouper toutes ces dames dans un vaste ensemble immobilier » (
.) où elles « pourraient se livrer librement à leur métier en professionnelles organisées ». Belle constance à droite.
Beau combat de femmes, qui plus est ! Michèle Barzach, ministre de la santé (1990), Françoise de Panafieu, vice-présidente de lUMP à lAssemblée (2002), et maintenant Chantal Brunel
Les hommes nosent plus appeler à la réouverture des bordels, il se trouve désormais des femmes pour prendre le relais.
Une simple incantation donc, et ces lieux dexploitation, qui ont toujours fait fructifier leur business sur un savant mélange de paternalisme et desclavagisme, vont se muer subitement en havres de bonnes manières. Plus lombre dun mafieux dans les coulisses, plus de prête-noms pour masquer les relents criminels, plus de violences de tous ordres, mais un paysage pastel, civilisé, le règne enfin réalisé de lautogestion et de la convivialité. Avantageusement pourvu de sonnettes dalarme pour appeler au secours, un bordel restant avant tout un bordel. Quel que soit le joli nom quon lui donne.
Chantal Brunel, dont on salue par ailleurs le discours critique sur la loi sur le racolage, propose « que soit mise à létude la création dendroits où lachat de services sexuels soit possible dans des conditions de protection médicale, judiciaire, financière et juridique. » Elle ajoute : « Un patron nest pas obligatoire ». Quen termes élégants ces choses là sont dites
.
Il faut ne rien connaître à la logique de ces établissements qui brassent des sommes considérables, rien à lenfermement prostitutionnel qui touche en priorité les personnes les plus vulnérables au plan social, économique, psychologique, culturel, ethnique, pour avancer des idées aussi pétries de naïveté. Quen sera-t-il des contrôles médicaux dans les maisons « ouvertes » ? Les clients prostitueurs seront-ils enfin soumis à ces examens que tous les bordels du monde persistent à nimposer quaux femmes ? On voudrait bien voir ça ! Quant aux protections de tous ordres, promises par tous les bordels du monde, elles ont fait la preuve de leur échec patent ; noyées dans la corruption et son indéfectible alliée, la loi du silence. Les personnes prostituées elles-mêmes le savent mieux que personne, et se méfient pour la plupart de ces lieux comme de la peste.
Gare à elles
Car Chantal Brunel parle de « condamner la prostitution à lextérieur de ces lieux. » Enlevant dune main la répression qui pèse sur elles, elle la rétablit aussitôt en traquant celles qui refuseront les mirifiques conditions quelle leur propose.
De la bouche de celle qui préside lObservatoire de la Parité, on goûtera laffirmation de choix de société si progressistes ! Les hommes de ce pays peuvent se friser les moustaches. Avec la bénédiction de lEtat et de ses représentantes zélées, ils seront assurés de trouver, au supermarché, une femme disponible, à toute heure, oublieuse de son propre plaisir, de son propre désir, mais délicieusement soumise à tous leurs caprices, même aux plus humiliants. Il restera, en toute logique, à ces « consommateurs » reconnus, à se syndiquer, comme aux Pays-Bas, pour voir garanti leur droit à une « prestation » de qualité.
Vous avez dit égalité hommes-femmes ? Parité ? Lutte contre les violences ? Régression généralisée, plutôt, dont voilà un signe supplémentaire. Un pas de plus pour réaffirmer le « droit » séculaire, jamais interrogé, que sarrogent certains hommes dexercer, en exploitant sexuellement des femmes, le pouvoir de la « virilité ». Un reniement de toutes les luttes contre les violences faites aux femmes dont la prostitution, au nombre des violences dénoncées par la Grande Cause 2010, constitue la scène la plus brutale avec son lot dinsultes, de mépris, dagressions, de viols et même de meurtres. Des violences perpétrées en grande partie par les « clients », quel que soit le lieu dexercice de la prostitution, ce que montrent quantité denquêtes, mais ce que nul na envie de savoir.
Le même serpent de mer depuis 1946, date de la fermeture des bordels en France ! Nest-il pas temps den finir avec un ordre ancien – lhomme qui mate, qui jauge, qui choisit, la femme qui sexécute – et de construire une politique qui mette tout en uvre pour faire reculer la plus réactionnaire institution du monde ? « Il faut mettre un terme à leur exploitation », dit Chantal Brunel en parlant des prostituées. Nous sommes daccord ! Et attendons donc de pied ferme le projet qui va sortir du groupe de travail mis en place au Ministère de lIntérieur ce 25 mars.
Pour nous, nest envisageable quune politique ambitieuse de lutte contre le sexisme, contre les violences et pour légalité, qui cesse de réprimer les personnes prostituées, lutte réellement contre toutes les formes de proxénétisme, et responsabilise, sur le modèle suédois, les clients prostitueurs en posant un principe fort : on nachète pas le corps dautrui. La prostitution est une survivance archaïque, elle est contraire aux plus élémentaires droits humains et indigne dune démocratie.
(1) Sondage CSA Le Parisien, 16 et 17 mars 2010 (2) Le Parisien, 18 mars, « Les prostituées seraient à labri des agressions de la rue » ]
Claudine Legardinier
Source femmes solidaires.
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» Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots « …
Bordel ? Maison ouverte.
Godemichés ? Sex-toys ( en anglais, c’est + classe).
Lingerie porno ? Dessous coquins (!)
Partouze, échangisme, gang bang ? Soirées libertines.
Prostituée ? Travailleuse du sexe.
Sodomie et fellation complète, obligatoires ? Pimenter .
Articles pornographiques ? Ecrits érotiques…etc…
Cela ne change, en RIEN, la vraie NATURE de la « CHOSE » !