» Une injure sexiste fonctionne exactement de la même manière quune insulte raciste ou antisémite. Elle sinscrit forcément dans un rapport dominant-dominé. Elle renvoie son objet au seul aspect de son existence qui intéresse le dominant. Dans le cas de linjure raciste, traiter un Noir de sale nègre, cest le réduire tout entier au seul aspect de sa personne perceptible par le raciste : la pigmentation de son épiderme. La couleur de sa peau devient opposable à un individu, le déconsidère, lanéantit aux yeux de son insulteur. A partir de là, le raciste décline à linfini ce quil prétend pouvoir reprocher au Noir, à savoir son infériorité supposée qui justifie linsulte. La boucle est bouclée.
Imaginons le processus dinsulte au ralenti, à partir du moment de limpact sur linsulté-e :
Linsulteur-dominant réduit linsulté-e à sa différence. La richesse et la complexité de linsulté-e disparaît. Le Noir est réduit à son épiderme. Cette réduction équivaut à une mutilation. Linsulteur na pas à faire preuve dimagination : il sappuie tranquillement sur lidéologie dominante, il se permet de définir lautre. Première phase, de destruction.
Linsulté est partiellement détruit. Linsulteur se porte comme un charme. Il éprouve même cette certaine qualité de satisfaction propre à qui vient de se défouler sur autrui. Il constate les dégâts sur lautre, et cette constatation elle même lui sert à justifier sa propre supériorité. Deuxième phase, de justification-confirmation.
Ça roule tout seul. Celui qui est traité de sale juif subit le même traitement. Aux yeux de lantisémite, le mot juif (même pas sale !) est en soi une insulte. Qui est juif ne saurait être à égalité avec un être humain normal, à savoir un non juif. Il suffit donc daffirmer le mot juif pour anéantir lautre. Dans cette galère, le Noir et le juif se retrouvent dans la même situation, à savoir du mauvais côté dun rapport de domination. Pour leur soulagement, ils bénéficient dans notre beau-pays-champion-du-monde-de-foot-et-des-droits-de-lhomme, des effets dune loi qui réprime les insultes racistes et antisémites. Ça ne supprime pas le problème, mais ça permet et de le faire reconnaître, et de se défendre.
Venons-en aux injures sexistes, qui ne se basent ni sur la couleur de la peau, ni sur la culture religieuse, mais sur cette partie de lanatomie qui se situe entre les membres inférieurs. Là encore, nous sommes dans un rapport de domination. Cest même le plus profondément enraciné. Quand on est de surcroit et Noire, et Juive et lesbienne, on n’est pas sortie de lauberge. Quoppose ton à une femme quand on linsulte ? On lui oppose le simple fait dêtre une femme. Cest à dire, avant tout, de ne pas être un homme.
Linsulte salit et rabaisse celle qui en est lobjet. Elle la réduit toute entière à son sexe et à ses attributs ou fonctions supposés.
Linsulteur, vis à vis des femmes, décline à linfini le thème maman ou putain. De vas te faire baiser, salope à retourne à tes casseroles, bonniche il fixe la limite du domaine imparti aux femmes. Au passage, en la réduisant à son sexe, en affirmant quelle nest que ça, il confirme une idée chère au sexisme : les femmes nont pas de cervelle. Il dit tu nexistes pas, ou plutot tu nexistes que là ou je te laisse exister. Et gare à toi si tu sors du territoire que je définis. Linsulte fait partie intégrante de larsenal de la misogynie. Elle en est la première étape. Le stade verbal avancé. Le panel dinsultes spécialement destinées aux femmes est extraordinairement riche dans notre beau langage. Cest quon a besoin de beaucoup de ciment pour consolider le mur de mépris qui tient les femmes en place siècle après siècle. Et quand les mots ne suffisent pas, il suffit de passer à létape suivante. Lordre masculin est bien gardé. Les résistantes auront affaire à des violences de moins en moins symboliques. Entre linflation verbale et la brutalité physique, le chemin est parfois extrêmement court. Et la violence physique, étape après étape, ne connaît quune limite : la mort. Entre salope et le coup ultime qui arrache la vie, il y a certes une énorme différence de degré, mais pas de nature. Cest la logique de la loi du plus fort, qui comme chacun sait, est sinon la meilleure du moins la plus efficace pour qui veut imposer à autrui sa vision du monde.
Quelle est la fonction dune insulte sexiste ?
La capacité à dominer et contrôler les femmes est la base même de tout système patriarcal, dont le nôtre. Dans ce contexte, une insulte sexiste sert à maintenir lordre établi. Une insulte est comme un CRS qui na pas encore chargé : il est là pour empêcher de passer. Plus une petite fille comprend tôt la place qui est la sienne, plus elle se soumet aux règles quon lui impose, plus elle donne satisfaction au système. Et plus le piège se refermera sur elle. On lui signifie quobtenir lapprobation du dominant est la règle de survie numéro un. La fonction de linsulte cest de signifier quau delà de cette limite on risque un coup de matraque sur les clavicules et un jet de lacrymos dans les narines. Ça calme les plus audacieuses, ça paralyse celles qui suivent.
Quelles sont ses conséquences ?
Evidemment, une femme qui accepte de nexister que là ou elle est censée exister accepte de vivre en prison. Cest tous les jours, sans arrêt, tout le temps et partout que les femmes sont confrontées à des insultes qui détruisent leur image delles mêmes. Ça crée un contexte non pas encore de terreur, mais dune peur banalisée, dun contrôle constant de soi même. Etre sûre de soi après un tel traitement relève de lexploit. Jour après jour les femmes résistent. Mais lénergie passée en permanence à ne pas se laisser submerger par la déconsidération, cest autant de force quon ne place pas ailleurs, cest autant despace envahi par nos détracteurs.
Heureusement, les rapport dominants dominés ne sont pas des rappports stables. Bien sur il y a le poids de la culture, de la tradition quil est difficile de déplacer, mais aucun pouvoir nest ni acquis ni éternel, il se déplace constamment. »
Source: le bureau des chiennes de garde
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» Heureusement, les rapport dominants dominés ne sont pas des rappports stables. Bien sur il y a le poids de la culture, de la tradition quil est difficile de déplacer, mais aucun pouvoir nest ni acquis ni éternel, il se déplace constamment. »
Des « femmes debout », le démontrent tous les jours, à CHAQUE seconde, dans leur sphère d’action respective…
» Evidemment, une femme qui accepte de nexister que là ou elle est censée exister accepte de vivre en PRISON. »
Parce qu’elle le vaut bien !
» tu nexistes que là ou je te laisse exister »
…Ou bien : » tes articles de blog seront écrits de la manière dont il ME plaît »…
» Jour après jour DES femmes résistent » , pendant que d’autres se couchent.
(…Et tous les machos et machas, se cassent les crocs sur « Sambo Nanas » : les insultes PASSENT, mes articles persistent, signent , et…RESTENT ! )
Je ne sais plus qui a écrit: » L’insulte est par excellence, l’arme des impuissants et des ratés » …
Dont acte !