"Exemples extrêmes d’un malaise moderne très répandu : une obsession de la célébrité " ?

Par Mike Jay, journaliste:

… »Des patients racontaient qu’ils recevaient des messages transmis par des batteries, des bobines et autres dispositifs électriques cachés. Les voix dans leur tête étaient transmises par des formes avancées de téléphone ou de phonographe, tandis que des hallucinations visuelles résultaient de l’action secrète d’une « lanterne magique ou du cinématographe ». L’étude de cas la plus détaillée que Tausk a menée à bien portait sur une patiente nommée « Natalija A. », qui croyait ses pensées contrôlées et son corps manipulé par un dispositif électrique actionné secrètement par des docteurs à Berlin. L’appareil avait la forme de son corps, mais le ventre était un couvercle doublé de velours qui pouvait être ouvert et révélait alors des batteries correspondant à ses organes internes.

De nouveaux mots pour décrire un mal

Bien que de telles convictions fussent complètement délirantes, Tausk décela une certaine logique dans leur folie : comme un reflet des rêves et des cauchemars d’un monde en proie à une évolution rapide. Les dynamos électriques inondaient les villes européennes d’électricité et de lumière, et les ramifications de ces réseaux faisaient écho aux structures en filigrane qu’on découvrait en laboratoire sur des lames de microscope, qui levaient le voile sur le système nerveux humain.

Des découvertes récentes, comme les rayons X et la radio, révélaient des mondes jusque-là invisibles et l’existence de mystérieuses énergies, qui faisaient l’objet de discussions quotidiennes dans les journaux de vulgarisation scientifique, d’extrapolations dans les pulps, et qui étaient d’après les spiritualistes la preuve de l’existence d’un « au-delà ».

Mais pour Tausk, ces innovations ne créaient pas de nouvelles formes de maladie mentale. Ces développements modernes fournissaient aux patients de nouveaux mots pour décrire leur mal.

D’après lui, on trouvait au cœur de la schizophrénie une « perte des limites de l’ego » qui rendait les sujets incapables d’imposer leur volonté sur la réalité, ou de se forger une idée cohérente de leur moi. Dépourvus qu’ils étaient de volonté propre, il leur semblait que les pensées et les mots d’autres personnes étaient introduits de force dans leur tête et émis par leur bouche, alors que leur corps était manipulé comme celui d’une poupée, soumis à la torture ou bien installé dans de mystérieuses positions.

Ces sensations n’avaient aucune explication rationnelle, mais ceux qui les éprouvaient étaient néanmoins sujets à ce que Tausk appelait « le besoin de causalité inhérent à l’homme ». Ils se sentaient à la merci de forces extérieures néfastes, et leur inconscient fabriquait une explication avec ce qu’il avait sous la main, d’une façon souvent frappante de naïveté. Incapables de donner un sens au monde, ils se faisaient le réceptacle des artefacts culturels et des suppositions qui les entouraient.

Quand vint le début du XXe siècle, nombre d’entre eux acquirent la conviction inébranlable qu’un opérateur caché les tourmentait à l’aide d’une technologie avancée.

La théorie de Tausk était radicale en ce qu’elle impliquait que les propos d’un psychotique n’étaient pas un charabia aléatoire mais plutôt un assemblage, souvent habilement construit, de croyances et de préoccupations collectives.

Jusqu’alors, à travers l’histoire, le cadre explicatif pour de telles expériences était essentiellement religieux : on y voyait une possession par un esprit maléfique, une visite du divin, de la sorcellerie, ou même l’emprise du démon. A l’époque moderne, ces croyances restaient fréquentes, mais des explications alternatives étaient désormais à portée de main.

Implants magnétiques dans le cerveau

Tausk observa que les hallucinations dont les patients psychotiques faisaient l’expérience étaient typiquement non pas des objets tridimensionnels, mais des projections « vues sur un seul plan, sur les murs ou les carreaux d’une fenêtre »…(Extrait)

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« Mais pour Tausk, ces innovations ne créaient pas de nouvelles formes de maladie mentale. Ces développements modernes fournissaient aux patients de nouveaux mots pour décrire leur mal. »

De nouveaux mots pour d’anciens maux ?