» Essayons daller un peu plus loin, pour voir ce quil y a au-delà du voile islamique, de la burqa, etc., et même au-delà du statut que lIslam mais aussi les autres religions, dans un passé plus ou moins lointain et encore présent pour certaines dentre elles- confère à la femme : seule lanthropologie permet de dépasser lanti-islamisme primaire.
Presque toutes les sociétés ont toujours essayé de réglementer la sexualité des femmes, et la plupart des anthropologues considèrent que lorigine de cette obsession réside dans le fait que lassociation « virginité avant le mariage/fidélité après le mariage » constitue une garantie de la paternité non adultérine des enfants, avec les conséquences que cela impliquait sur les transmissions des patrimoines doù la tolérance bien plus grande envers la sexualité des hommes (« vierge » a toujours eu une connotation élogieuse, « puceau » une connotation ironique), et une exigence sociale bien plus grande envers la pudeur des femmes quenvers celle des hommes ; et on peut sans doute établir un parallèle entre la tolérance récente de nos sociétés occidentales envers ladultère féminin et légalité tout aussi récente des droits successoraux des enfants adultérins: mais peut-être faut-il aller plus loin que cette analyse purement marxiste (les « superstructures » des valeurs religieuses déterminées par les « infrastructures » de lorganisation économique) de l’origine des murs.
Remarquons dabord que la seule virginité vérifiable (mais aussi la seule susceptible de garantir lorigine de la paternité des enfants) est la virginité vaginale, et que les femmes, musulmanes ou pas, ont toujours fait preuve d’assez d’imagination pour contourner cet interdit par d’autres pratiques sexuelles, qui se trouvent ainsi encouragées.
Notons aussi que si la religion a toujours été loutil essentiel du contrôle de la sexualité féminine, elle nen a pas été le seul : dans la société laïque française dune bonne partie du XXème siècle, ladultère était jugé comme une faute pénale (jusquen 1975), mais l’homme n’était puni que si sa maîtresse habitait au domicile conjugal, et la peine encourue était la prison pour la femme, et une simple amende pour l’homme. A l’époque victorienne, en Grande-Bretagne, dans certaines familles, on enveloppait de housses (faut-il dire de burqas ?) les pieds des meubles (tables, chaises, pianos), assimilés à des « jambes » de femmes qu’il aurait été impudique de laisser nues
Jouissez sans entraves? Oui, mais seulement pour les hommes
Islam: Sarkozy lance un bien étrange débat
Débat sur l’islam ou manifeste d’impuissance publique
Débat sur l’islam : ce n’est pas à l’Etat de le lancer ! On peut émettre lhypothèse que le succès et la pérennisation de ce qui nétait, à son origine, quun système de sécurisation du patrimoine familial ne sont dus qu’au fait quils ont rencontré un ressort psychologique profond, tout aussi universel, des hommes et jamais avoué: la hantise de la performance sexuelle peu brillante, ne permettant pas aux femmes datteindre lorgasme.
Et si lon considère que le but de toutes les « normes » sexuelles, cest de nier le droit féminin au plaisir sexuel et à lorgasme, qui serait lapanage des hommes, bien de choses séclairent.
Lassociation « virginité avant le mariage/fidélité après le mariage » constitue une garantie de linexpérience sexuelle de la femme, et de son incapacité à faire des comparaisons qui risqueraient dêtre peu flatteuses: comment se plaindre de labsence de ce dont on ignore la possibilité et lexistence? Quelle meilleure garantie, pour les hommes aux performances modestes, que le fait que leur femme simaginera que cest ce quon peut faire de mieux ?
Comment expliquer la pratique de lexcision clitoridienne autrement que comme une tentative de supprimer la possibilité et le droit des femmes à lorgasme, et son acceptation par les mères par leur refus inconscient que leurs filles connaissent ce qui leur a été interdit, ce qui serait perçu comme trop injuste ?
Comment comprendre autrement la promesse faites aux kamikazes musulmans des « 72 vierges qui les attendent au paradis » (notons, au passage, qu’on a l’air de batifoler davantage dans le paradis coranique que dans le paradis chrétien…), alors que lhomme sûr de lui préfèrerait sans doute des femmes sexuellement expérimentées à des vierges novices ? Et labsence de promesse équivalente pour les femmes kamikazes ? Et qui ne voit que si, par extraordinaire, l Islam décidait daccorder aux femmes légalité des droits au plaisir sexuel, ce ne serait pas la promesse de « 72 puceaux » qui serait la plus enthousiasmante ?
Burqa contre Kama-Soutra
Et lon touche ici au point faible du « système » : en préférant linexpérience sexuelle féminine aux plaisirs plus risqués mais plus riches de l’ expérience sexuelle féminine, lhomme ampute aussi sa propre sexualité, préférant la sécurité à lexploration et l’innovation : plutôt la burqa que le Kama-Soutra.
Lutter contre les limitations imposées à la sexualité féminine, cest aussi lutter pour une sexualité masculine moins frileuse: la burqa n’est que la manifestation extrême de la peur que les femmes inspirent aux hommes, et sa disparition traduirait davantage l’émancipation sexuelle de l’homme qui l’impose que celle de la femme qui la subit.
Par ailleurs, la nature fait bien les choses: tout interdit sur la sexualité se transforme automatiquement en source de sensualité supplémentaire (au point que certains ont pu soutenir que le charme suprême de la sexualité – d’autres diraient de la perversion sexuelle- consiste à braver des interdits). On connaît des tas de romans du début du XXème siècle, où des hommes décrivent l’état de pâmoison dans lequel les avait plongés une cheville entr’aperçue d’une femme lorsqu’elle montait dans un tram… Il y a dans la burqa un côté sensuel un peu cérébral (mais, dans l’espèce humaine, l’érotisme, c’est le cerveau, et rien que le cerveau) de pochette-surprise: que va-t-on découvrir en la retirant? »
Elie Arié sur Marianne.