Par Laurent DECLOITRE (LA RÉUNION)
« HISTOIRE : A Saint-Denis de la Réunion, une commerçante diffuse sur sa page Facebook la photo dune cliente soupçonnée de vol à létalage.
«Afin de lutter contre le vol et son impunité, nous partageons ci-dessous la photo dune voleuse récidiviste. Merci pour tout retour dinfo en message privé.» Cet incroyable avis de recherche est diffusé depuis ce mercredi matin sur la page Facebook dAddict, une boutique de prêt-à-porter bien connue de Saint-Denis de la Réunion. Sous le titre en gros caractères «Alerte voleuse !», les 1705 fans de lenseigne découvrent le portrait en gros plan dune jeune femme élégante, en robe blanche, portant des boucles doreille, et un autre cliché la montrant de plain-pied en train de pousser son bébé dans un landau. Seul le visage de lenfant a été caché par une bande noire
Pas de récompense pour le «wanted», mais un appel à délation sur le réseau social qui suscite de nombreuses réactions, le post ayant été partagé sur dautres pages. Wendy, une cliente dAddict, se déclare «choquée». «Répondre au vol par la délation et la diffamation est tout aussi condamnable et beaucoup plus dangereux», estime-t-elle. «Syl Vie» partage la même indignation : «On pourrait reconnaître très facilement cette femme dans la rue et la lapider publiquement pendant quon y est ?»
Mais le post a aussi reçu 42 «Jaime» et quelques messages de soutien, comme celui de Mikaël, pour qui «un commerçant se défend pour préserver un business sans aucune aide». Annabelle comprend elle aussi le geste en tant que «chef dentreprise démuni».
Plainte au commissariat
Carine Costa, la propriétaire de la boutique, située dans le centre-ville du chef-lieu, se justifie avec passion. Elle raconte comment sa vendeuse a surpris en flagrant délit la cliente en train de cacher «pour 400 euros» de vêtements sous la poussette de son bébé : «Interrogée, la dame a ri au nez de mon employée puis sest énervée en démentant et est sortie.» La vendeuse, seule à ce moment, na pu la poursuivre.
Carine Costa, qui sapprête à prendre la présidence dune association de commerçants, a alors alerté ses collègues de la rue Jules-Auber. Et voilà que le lendemain, la maman soupçonnée du vol fait à nouveau du lèche-vitrines habillée de la robe disparue la veille. Une commerçante la prend en photo, ce qui incite Carine Costa à porter plainte au commissariat de Saint-Denis. «Mais les policiers mont fait comprendre quelle ne risquait pas grand-chose, car les vols de ce genre ne font jamais lobjet de condamnation effective !», raconte-t-elle.
La gérante, «désolée» den arriver à cette extrémité, décide alors de placarder les portraits sur les murs de sa boutique de vêtements, chaussures et accessoires pour adultes, mais aussi de diffuser lavis de recherche sur internet. «Quelquun la reconnaîtra peut-être et me donnera son identité de façon à ce que la police larrête»
Chèques impayés en vitrine
Carine Costa sait quelle na pas le droit dagir de la sorte, ce que confirme un avocat spécialiste de droit civil de Saint-Denis. «On peut prendre quelquun en photo dans un lieu public, rappelle Alain Antoine.Mais on na pas le droit de diffuser le cliché sur Internet, surtout avec cette mention de voleuse.» La commerçante pourrait répondre de diffamation, atteinte au droit à limage, dénonciation calomnieuse
Christopher Glick, directeur de lassociation de gestion du centre-ville dionysien, connaît bien la commerçante, avec laquelle il a milité récemment pour une ouverture plus tardive des boutiques en soirée. Mais il confesse ne pas pouvoir «cautionner» un tel acte dont la généralisation entrainerait des «abus». En revanche, le président de lAssociation des commerçants de locéan se déclare complètement solidaire de sa collègue. « Je ferais pareil», lance Ilfhane Kazi, depuis sa boutique de vêtements pour bébés, Lola et moi. Il y a peu, le gérant collait sur sa vitrine les chèques impayés, avec le nom et ladresse des particuliers. Désormais, il les couche sur un cahier quil fait tourner dans le quartier »
Laurent DECLOITRE LA RÉUNION (correspondant).
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« la cliente en train de cacher «pour 400 euros» de vêtements sous la poussette de son bébé : «Interrogée, la dame a ri au nez de mon employée puis sest énervée en démentant et est sortie.» La vendeuse, seule à ce moment, na pu la poursuivre …Une commerçante prend la voleuse en photo, ce qui incite Carine Costa à porter plainte au commissariat de Saint-Denis. «Mais les policiers mont fait comprendre quelle ne risquait pas grand-chose, car les vols de ce genre ne font jamais lobjet de condamnation effective !», raconte-t-elle.
Quand des gens ne se sentent plus défendus par l’état, ils finissent par se faire « justice » eux-mêmes ?