"Que tous ces gens-là, ils nous oublient un peu. Qu’ils nous lâchent la grappe."

Par Benoit Vitse:

« Un peu de calme

Un jour un propriétaire de vergers découvre un couple nu en train de manger sur son terrain : Quand je suis arrivé, la femme proposait sans se gêner une pomme à son copain. Les deux étaient nus comme des vers. Encore les vers sont souvent habillés d’un peu de terre, mais eux rien du tout. Je les ai chassés de mon verger avec perte et fracas. Du coup, ils ont eu honte d’être à poil, et ils ont essayé de cacher ce qu’on pense avec des feuilles de vigne. Tout ce qu’ils ont pu déclarer à la police, c’est qu’ils étaient heureux dans mon jardin…

Par la suite, j’ai appris qu’ils avaient deux fils qui ne s’entendaient pas du tout. Au point qu’un jour le plus petit a tué le plus grand. Vous savez, ça ne m’étonne pas plus que ça. Avec la mentalité qu’avaient les parents… Evidemment, le meurtrier a fait quelques mois de prison, pas plus. Et puis, il a traîné un peu partout dans le coin. Il est devenu à moitié cinglé. Il voyait un œil qui le regardait. Probablement parce que ses parents voulaient vivre à l’œil. Il a fini par s’enfermer dans une tombe pour gagner du temps avant de mourir.

Dans la même bande, il y en avait un qui ramassait tous les chiens et les chats du quartier pour les mettre dans un bateau. Pas seulement ça, mais aussi toute sorte d’oiseaux, des rats et des souris, des chèvres et des cochons. Il y avait de tout ! Sous prétexte qu’il allait pleuvoir. Ce qui s’est passé, c’est que les voisins n’en pouvaient plus à cause des odeurs et des bruits. Vous imaginez un peu le bazar. Alors les services vétérinaires sont intervenus et les pompiers aussi, ils ont noyé tout le bateau pour la désinfection. Une vraie inondation.

Et puis, on a eu le grand barbu. Comment il s’appelait déjà ? Alors c’en était un qui avait soi-disant les tables de la loi. Attention hein, gravées sur de la pierre ; ça pesait une tonne, ce truc-là. Mais lui, il les trimbalait tous les jours pour nous montrer comme quoi il ne fallait pas tuer, pas voler. Il ne manquait pas de culot, celui-là, de me dire ça à moi, qu’on m’avait volé les pommes. Et puis, un jour, il vient à la maison. Ma femme avait un petit veau en or, très joli, un cadeau de mariage, il se met dans une colère de fou et il casse ses tables de la loi.

Le dernier en date, encore plus ravagé que les autres, il voulait marcher sur l’eau, changer de l’eau en vin, ou inversement, je ne me souviens plus très bien. Il était toujours entouré d’une douzaine d’acolytes qui n’avaient pas l’air commode, mais dès qu’on criait un peu, ils prenaient des têtes de martyr. Tout ça pour vous dire que depuis que je suis dans le quartier, ça n’a pas arrêté.
Alors aujourd’hui que je prends ma retraite, j’aimerais simplement un peu de calme, et que tous ces gens-là, ils nous oublient un peu. Qu’ils nous lâchent la grappe. »

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« Que tous ces gens-là, ils nous oublient un peu. Qu’ils nous lâchent la grappe. »

J’suis d’accor-ord ! :yes: (Sur l’air de la chanson de Françoise Hardy)