Crachats, coups de poings, coups de pieds, injures, opinel…au C.O.R. de Pont Brillant dans l’Ardèche ?

classe
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Classe de 6 élèves , de Marie 41 ans, avec son écharpe.( C’était en principe, un concours de…grimaces; mais tous se sont dégonflés…sauf, Marie! Le sapin parle de Noël…il y a aussi un poisson rouge, une maison de hamsters et un petit théâtre de marionnettes, des graines qui germent…

Tai jitsu
Cours de Tai Jitsu, photo du Midi Libre de 1981.

Marie , après avoir accouché de jumelles, 2 mois auparavant, retrouve le besoin et toute l’énergie nécessaire pour se replonger dans la vie active interrompue pendant 7 ans pour fabriquer un adorable petit garçon, âgé de 2 ans à ce jour , et aussi pour guérir d’un tremblement de terre conjugal où elle a tout perdu ( pays, maison, famille,enfants, amis, emploi, repères….

L’Inspecteur d’Académie consulté, lui propose une classe « spéciale » au COR de Pont Brillant; « par honnêteté, je dois vous dire que personne ne garde ce poste , le record jusqu’ici , c’est un mois…réalisé par un homme ! », la prévient-il, avec un sourire désabusé. Elle accepte le défi et doit rejoindre son poste, après les vacances scolaires de la Toussaint, une semaine plus tard.

Marie, quitte Privas, pas rassurée du tout , sur la prochaine rentrée. Elle décide de faire un crochet par Saint Marcel d’Ardèche pour rencontrer le dirlo du centre.
Le cadre est génial: une bâtisse de trois étages, affichant un vague air de castelet, se dresse au milieu d’un vaste parc splendide, paré de couleurs automnales. Le directeur barbu, à l’allure d’éducateur spécialisé, l’accueille chaleureusement, une fois énnoncé, l’objet de sa visite.
-Je vais être franc avec vous, dit-il, même des mecs ont jeté l’éponge; 3 instits depuis la rentrée, dont la dernière, une débutante de 22 ans, est partie en courant, m’adressant son certificat médical par la poste.. En fait nous sommes la poubelle des classes de perfectionnement de toute l’Adèche. Le rez-de-chaussée accueille les bureaux, le premier étage est le lieu de vie des enfants, encadrés nuit et jour,par des éducateurs spécialisés, et le troisième étage est le domaine des trois enseignants, dont vous, éventuellement. Nous accueillons des gamins de six à seize ans, qui s’évadent de leurs classes…par la fenêtre, menacent leurs instits à l’opinel, les frappent à coups de poings et de pieds, leur crachent au visage, les abreuvent de termes orduriers, refusent toute discipline, ne tiennent pas en place, se bagarrent jusqu’au sang, déchirent volontairement leurs vêtements…C’est très éprouvant, une journée de six heures, avec ce type d’élèves et c’est ce qui explique que vous n’aurez que six élèves, du niveau CP, CE1…mais dont certains sont déjà des petit costauds de douze ans, et pendant les récrés vous aurez à surveiller des garçons plus âgés; je pense en particulier à des jumeaux, de seize ans bâtis comme des bûcherons du Grand Nord. Écoutez, je comprendrais que vous refusiez ce poste, réfléchissez et…
– C’est tout réfléchi, je serais là lundi prochain, dit Marie, en prenant congé.

Elle rejoint sa vieille 4L « jaune équipement » et roule vers sa maison (son cocon de tendresse),tout en analysant ce qui lui arrive…Les violences, les injures,les crachats, les coups de toutes sortes, les viols, les tentatives répétées d’assassinat au revolver, à la 22 long Rifle, par étranglement, dormir dehors dans une voiture, endurer impuissante, le kidnapping de quatre de ses enfants, voir tous ses vêtements et objets personnels arrosés d’essence et flambés, etc…elle les a déjà affrontés et cela ne la terrorise plus: elle se sent dure comme un roc , psychologiquement.
Mais physiquement, elle ne se sent pas de taille…Et comme elle a décidé de réussir (pour elle-même),là où les autres ont échoué, il faut à tout prix qu’elle s’en donne les moyens…
Elle traverse son village, quand Maryse, sa fleuriste préférée lui adresse un joyeux salut de la main, avant de franchir le seuil du centre sportif…Maryse est aussi la petite copine du beau gosse qui donne des cours d’arts martiaux…
Marie freine brutalement et fait marche arrière pour se garer non loin du centre.
Embrassades amicales et:
– Je te présente ma meilleure copine dit-elle à son chéri, à qui elle sert, aussi, d’assistante.
– Vous prendriez une vieille de 41 ans dans vos cours ? Je veux juste me défendre, contrer les agressions physiques, mais de façon hyper efficace, demande Marie…
-Pas de problème dit-il, avec un sourire à lui donner le tournis. On commence tout de suite, si Maryse veut bien vous prêter un kimono ?
…Marie fait de rapides progrès: elle fréquente le centre tous les jours , avec une rage d’apprendre et une détermination à exécuter toutes les prises…peu communes!

Un jour, la photo du cours de Tai Jitsu apparaît dans un article du canard du coin…et Marie se fait une réputation de « Calamity Jane »…au COR ! C’est vrai qu’avec ses santiags, ses petites chemises écossaises et ses jeans, on la sentait plus prête pour répondre à la bagarre…que pour minauder devant un baisemain!
Et le jour où elle promet à un éducateur qui avait durement frappé un élève de sa classe au point de lui laisser plein de bleus (le petit blond sur la photo), de lui arracher sa « virilité »,(d’accord , elle a été plus grossière), devant tous les élèves réunis dans la cour de récré, s’il commettait la lâcheté de recommencer et qu’elle a vu ce type se démonter de sa superbe…devant les élèves hilares et déchaînés, et les deux autres instits mâles et les autres éducateurs… incrédules, elle comprend qu’elle n’aura plus JAMAIS besoin d’un homme pour se défendre en tous lieux et pour toutes sortes de violences, à son égard à elle!

Le meilleur souvenir de ce centre, c’est quand le père de Sébastien,( à droite de Marie en regardant la photo), est venu la remercier, parce que son gamin chéri de 12 ans, avait ENFIN, réussi à déchiffrer les destinations écrites…sur les panneaux de l’autoroute A9… « Je ne l’espérais plus », lui dit-il, les yeux humides.

Le plus…inattendu, c’est la remarque d’un jeune psy sympa :  » Je sais quand tu es passée dans l’escalier peu avant…car il y flotte un souvenir de plage au parfum de Monoï ( L’huile de « beauté » de Marie).

Le plus drôle, c’est la fois où l’un des jumeaux plein de sève, qui l’attendait caché derrière la porte menant à l’escalier, lui a proposé de « faire l’amour ». Elle lui a répondu qu’elle voulait d’abord vérifier « le calibre », en approchant la main de son bas ventre; il a crié et pris la poudre d’escampette ! Depuis ce jour, et après des excuses spontanées, il s’est auto-proclamé son…garde du corps!

Marie est restée deux ans, dans ce centre, avant de rejoindre une classe de perf « normale », en Martinique. Deux ans de relations vraies, fortes et empreintes d’une intensité et d’une tendresse inimaginables, comme peuvent en être capables…parfois, des tabassés de la vie.