Par Pascale Robert-Diard :
« Le président a d’abord voulu s’assurer que le Sonotone de Marcel Guillot était bien réglé et qu’il avait des piles de rechange dans la trousse de toilette en plastique bleu quil tient à la main. « Vous mentendez ?
– Je vous entends causer mais je comprends rien à ce que vous dites », a répondu Marcel.
Encadré par deux gardes bonhommes qui semblaient surtout veiller à ce qu’il ne chancelle pas, il s’est avancé à petits pas jusqu’au pupitre de la cour et a penché son visage vers celui du président.
« Ça va mieux comme ça?
– Oui, oui », a répondu Marcel.
Devant la cour d’assises de la Marne, à Reims, le plus vieil accusé de France, âgé de 93 ans, comparaît pour le meurtre de Nicole El Dib, une amie de dix ans sa cadette, dont le corps roué de coups a été retrouvé, un matin de décembre 2011, immergé dans le ruisseau qui traverse sa villa, près du village de Saint-Gilles (Marne).
Avant cela, la longue vie de Marcel Guillot tient dans un petit paquet de mots. L’école jusqu’à onze ans, l’entrée en apprentissage d’ouvrier peintre à douze, une parenthèse de guerre pendant laquelle il se cache dans le Jura pour échapper au service du travail obligatoire, une vie d’employé vitrier à la SNCF puis d’homme à tout faire dans une clinique d’Aubervilliers, 57 ans de mariage avec Colette « Mon épouse, c’était la tête, moi, j’étais les jambes » deux fils, un pavillon et un bout de jardin à Bobigny, 50 ans de fidélité à un camping de l’île d’Oléron où il posait sa caravane chaque été, entrecoupés de voyages autour du monde de sa retraite à son veuvage en 2004.
Cest comme ça quun jour, alors que le couple embarquait pour lAustralie, Colette avait reconnu Nicole El Dib, une amie denfance, parmi les passagers. Les deux femmes avaient renoué, les maris avaient suivi, le couple El Dib recevait dans sa belle propriété, les Guillot rendaient linvitation au pavillon jusquà ce que le cancer emporte Colette et que la maladie de Parkinson ronge lépoux de Nicole. A lautomne 2011, alors que son mari est hospitalisé et quelle redoute la solitude dans sa villa isolée, Nicole El Dib sollicite Marcel Guillot pour quil vienne séjourner trois semaines chez elle en attendant lembauche dun nouveau couple de gardiens.
Il accepte dautant plus volontiers quil ressent depuis longtemps « un petit béguin » pour elle. Les journées à Saint-Gilles sécoulent tranquillement « Je lui beurrais ses tartines, jétendais son linge, je nourrissais les poules et les lapins, et laprès-midi, on jouait au Scrabble », raconte t-il mais le séjour se termine mal. Marcel se sent brutalement « éconduit », renvoyé « comme un ballot » par son hôtesse. Rentré dans son pavillon de Bobigny, il rumine sa rancur.
Dans la nuit du 6 au 7 décembre 2011, Marcel Guillot parcourt au volant de sa voiture les 200 kilomètres qui le séparent de Saint-Gilles, se gare près de la villa, prend une lampe torche, un tournevis et un manche en bois, ouvre le volet de la terrasse, démonte un carreau, monte à létage dans la chambre où dort Nicole. La suite est racontée par le médecin légiste. Le corps de la vieille dame porte les traces dune vingtaine de coups dune « grande violence », elle a la mâchoire, le nez et lavant-bras fracturés et des traces de strangulation sont visibles sur son cou. Des projections de sang sont retrouvées sur les murs de la chambre et sur le palier. Des taches jonchent les escaliers, la terrasse et le jardin jusquau ruisseau où le corps a roulé.
Il est environ trois heures du matin quand Marcel Guillot remonte dans sa voiture et rentre à Bobigny. Cinq mois plus tard, alors quil vient dinstaller sa caravane au camping dOléron où il a réservé sa place pour trois mois, il est interpellé par les gendarmes. Son ADN a été identifié, une montre lui appartenant a été retrouvée dans la villa. Devant les enquêteurs, il finit par admettre quil a voulu « foutre une toise », « mettre une rompée » à celle qui lavait humilié.
Deux années de prison ont passé. Marcel Guillot a beaucoup maigri et changé davocat. Devant la cour, il écoute en dodelinant de la tête les dépositions des experts. Il se lève, vient à nouveau se poster face au président.
– Je vais vous dire la vérité parce quils y connaissent rien.
La famille de Nicole El Dib sa fille, son gendre et ses trois petits-fils se tendent.
– Quand je suis rentré, elle sest levée, elle sest pris les pieds dans la descente du lit, elle est tombée sur larmoire, je lai tirée, cest tout. »
Le président se tourne vers le légiste. « Ces déclarations sont totalement incompatibles avec les constatations », dit-il. Marcel poursuit : « Je voulais lenterrer avec ma femme à Bobigny, dans le jardin. Alors je lai portée pour la mettre dans la voiture. Je my suis repris jsais pas combien de fois il mime le geste en pliant les jambes. Mais un corps mort, cest lourd, hein ! Pourtant, jsuis costaud ».
Il dit encore : « Cest sa faute. La faute à qui ? demande le président. – Ben, à Nicole », répond-il. »
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