TUER les schémas anciens …

De fille en mère

[ » De filles en mères « 
De Sabine FORTINO(Doctorante en sociologie du travrail)-Histoire, femme et société, lien ci-dessous)).

… pour qu’une petite fille se construise et se vive comme un être indépendant de corps et d’esprit ».

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… » À défaut de modèle « clé en main », la conviction qu’il fallait tout changer, que plus jamais les petites filles et les petits garçons ne devaient être élevés comme avant, guidait l’action des femmes rencontrées. Mais comment faire ? Il leur fallut improviser et dans ce rôle d’inventeur Lépine d’un genre particulier, il* y eut bien quelques ratés ou, comme les femmes rencontrées les désignent, non sans humour : « quelques aberrations provisoires ». La plus importante d’entre elles a consisté à s’inscrire en faux face à tout ce qui est généralement réservé à l’un ou l’autre sexe. Certaines, mères de petites filles, ont prohibé l’achat de poupées (mais elles les ont mises entre les mains de leurs fils), la possession et l’utilisation de jupes, de robes et autres souliers vernis. Les garçons aussi ont eu leur lot d’interdits : les armes à feu en plastique et les petites voitures, offertes aux filles cette fois. Dans le même ordre d’idées, elles ont mis sous clef tous les contes de fées jugés trop sexistes.

Si ces femmes parlent d’aberrations provisoires, c’est bien sûr parce que les enfants n’acceptaient pas toujours (ou alors, un temps, pour faire plaisir à maman) les jouets qu’elles leur offraient et ce, parce qu’ils ne comprenaient pas pourquoi ils ne pouvaient posséder les jouets de leurs copains/copines. De même, l’idée d’une sélection drastique en matière de littérature posait de multiples problèmes : peut-on priver un enfant de la culture générale commune ? Plus sûrement, cette attitude, aussi bien intentionnée soit-elle, entrait en parfaite contradiction avec les valeurs anti-autoritaristes, portées par la révolte de Mai 68, auxquelles ces militantes adhéraient par ailleurs. S’il est interdit d’interdire, comment refuser à l’enfant ce qu’il désire (et ce, même si l’on pense que c’est mieux pour lui) ? Comment lutter en tant qu’individu pour la libération des femmes et se comporter en tant que mère comme un « censeur » domestique ? La contradiction apparaissait d’elle-même. Rappelons également qu’à cette époque, le « politiquement correct » n’était pas un concept auquel les féministes, les Françaises comme les autres, se référaient.

Assez vite en fait, les femmes rencontrées ont adopté un tout autre type de pratiques, plus en accord sans doute avec leur personnalité et leur militantisme – un militantisme certes subversif mais à tendance « libertaire ». Sans compter qu’elles ne souhaitaient pas non plus être « enfermées » dans leur rôle maternel en y consacrant trop de temps et d’investissement. Elles voulaient garder du temps pour elles ou comme le dit Magali : « On voulait pas trop se faire chier avec les mômes ». Ce dernier impératif a rapidement trouvé sa place parmi les grands principes pédagogiques : pour que la femme ne soit pas étouffée par la mère qu’elle est aussi, il faut que rapidement l’enfant acquière une autonomie, qu’il sache se « gérer » seul (jouer seul, sortir seul…). L’autonomie de mouvement et de décision a longtemps été réservée aux hommes, disent les féministes, alors la permettre à sa fille présente un double avantage : le premier est pour la mère et le second pour l’enfant elle-même, pour qu’elle se construise et se vive comme un être indépendant de corps et d’esprit.

Le second principe pédagogique découle immédiatement de celui-là : si l’enfant doit sortir seul, alors il faut l’armer contre la violence sexuelle masculine. Très tôt, donc, est posé le problème de l’inscription des filles à des cours d’arts martiaux pour qu’elles apprennent à se défendre. À défaut, la mère se fixe comme objectif de la former à la vigilance et à l’auto-défense. Cette formation se veut théorique et pratique : « Je lui ai parlé des risques de l’agression très longuement » raconte Mireille, « du coup, je lui avais expliqué que tout homme est un ennemi en puissance (elle rit), qu’il faut jamais faire confiance à un homme a priori, parce qu’il est une menace permanente ». Frédérique confirme : « J’ai vraiment essayé de développer en elle une certaine agressivité… je l’ai toujours beaucoup encouragée à développer ses qualités physiques ». Et Jacqueline, plus pragmatique encore, confie : « Je lui ai toujours dit : Si on t’attaque, tu te défends, tu donnes des coups de pied où il faut et de préférence dans les c… si c’est un mec ».

Le troisième grand principe qui a animé ces femmes est plus complexe à formuler. Il part d’une constatation que chacune a expérimenté dans sa famille : la petite fille est traditionnellement peu valorisée. Soit on lui préfère son frère, soit on lui fait comprendre qu’un garçon « c’est toujours mieux » qu’une fille, en valorisant par exemple l’organe sexuel masculin et en maintenant caché celui de la soeur. Il s’agit donc pour les militantes rencontrées d’inverser la tendance, c’est-à-dire de valoriser le féminin sans pour autant élever les garçons dans une infériorisation tout aussi injustifiée à leurs yeux26. Dans cette optique, chacune va inventer une petite méthode et saisir la moindre occasion (très souvent les premières règles) pour faire passer le message. Telle Mireille : « Le jour dit, j’ai acheté un énorme « Castel au chocolat », un grand gâteau super bon (elle rit) Et j’ai dit : `Voilà, c’est pour fêter ton entrée dans le monde des femmes’. On a fait comme si c’était un anniversaire ». Ou encore Frédérique : « C’était surtout dans le bain (…) Je lui disais que son sexe était très beau. Il y avait toute cette poétique autour du sexe féminin et de sa ressemblance avec un coquillage ». Et Jacqueline, enfin : « Je lui disais que les mecs avaient un zizi dehors et les nanas, un zizi dedans et qu’en plus, les nanas, elles pouvaient faire des enfants (elle rit), ce qui était encore mieux ».

Le dernier grand principe vise à étendre les possibles de chaque sexe là où l’éducation traditionnelle tentait de les restreindre en les compartimentant selon des critères sexués exclusifs. Dans cette optique, tout est possible ou tout est permis, comme on voudra. Qu’il s’agisse de vêtement, de jeux, de livres, de sorties… ou de comportements (pleurer ou ne pas pleurer, grimper à l’arbre ou ne pas grimper, se battre avec les copains ou ne pas se battre etc.), chaque enfant est encouragé à tout expérimenter puis à agir suivant ses désirs, sans que son appartenance sexuelle n’entre en ligne de compte. Un exemple parmi tant d’autres nous est fourni par Frédérique : « Moi, ce que je voulais, c’est qu’elles aient, autant que possible, le choix. Après si elles décident de ne pas jouer au train électrique, c’est leur problème. Mais le train électrique, ça pouvait être à elles si elles le voulaient ».

L’absence de modèles collectifs alternatifs et de discussions au sein du mouvement féministe a indéniablement pesé sur l’action des mères féministes rencontrées. Elles-mêmes disent avoir vécu le face à face avec l’enfant dans l’enthousiasme mais surtout dans l’angoisse de mal faire. Confrontées aux défis multiples qu’imposait une éducation nouvelle, elles se sont senties seules, isolées voire abandonnées par un mouvement social qui, par bien d’autres aspects, les accompagnait sur le chemin de leur propre libération. Cependant, elles ont agi et tenté à leur niveau (strictement individuel, donc) de ne pas reproduire les schémas anciens. » ]…

Sabine FORTINO: (Extraits), à propos du mouvement féministe français ( Doctorante en sociologie du travrail au Gedisst-CNRS-Iresco ).

Source, pour lire le texte en entier: http://clio.revues.org/index421.html

et http://1libertaire.free.fr/De%20filles%20en%20meres.html

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… » À défaut de modèle « clé en main », la conviction qu’il fallait tout changer, que plus jamais les petites filles et les petits garçons ne devaient être élevés comme avant, guidait l’action des femmes rencontrées. Mais comment faire ? Il leur fallut improviser »…

C’est ce que j’ai fait: élever filles et garçons de la même façon,sans privilèges « naturels »(!), masculins…Y compris dans le domaine de la sexualité : respect de soi et de l’autre par un comportement responsable.

Mais nous n’étions pas nombreuses à l’époque

Personnellement, je ne connaissais personne autour de moi qui s’opposait à « l’éducation de jeux de rôles » sexistes, injustes et discriminatoires…Qui nourrissent la « guerre des sexes »!

…Aujourd’hui, beaucoup de mères continuent sans états d’âme à transmettre les valeurs, pardon, les malheurs, d’une société patriarcale

« ELLES » le valent bien !

On a la société qu’on mérite…

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Auteur : Tingy

Romancière féministe : je viens de publier " Le temps de cuire une sauterelle " :-)) Et de rééditer : "Le Père-Ver" et "Le Village des Vagins" (Le tout sur Amazon) ... et peintre de nombreux tableaux "psycho-symboliques"... Ah! J'oubliais : un amoureux incroyable, depuis 46 ans et maman de 7 "petits" géniaux...

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