Le tomakawa, l’étranger, l’outsider…

Autrement dit: le mot tama (père) ? « Le mari de la mère » .Point.

[ LES PRINCIPES DU DROIT MATERNEL :

Nous trouvons chez les habitants des îles Trobriand une société matrilinéaire où la descendance, la parenté et toutes les relations sociales ont pour point de départ la mère; les femmes jouent un rôle considérable dans la vie tribale, jusqu’à prendre une part prépondé¬rante aux activités économiques, cérémonielles et magiques: fait qui exerce une influence très profonde sur les coutumes de la vie érotique, ainsi que sur l’institution du mariage. Aussi ferions-nous bien de considérer tout d’abord les relations sexuelles sous leur aspect le plus large, en commençant par une rapide description des coutumes et des lois tribales qui sont à la base du droit maternel, ainsi que des différentes idées et conceptions qui l’éclairent et l’expliquent. Après quoi, un bref exposé des principaux domaines de la vie tribale – domestique, économique, légal, cérémoniel et magique – fera ressortir les sphères respectives dans lesquelles s’exerce, chez ces indigènes, l’activité de l’homme et de la femme.

L’idée d’après laquelle la mère serait le seul et unique auteur du corps de l’enfant, le père ne contribuant en rien à sa formation, constitue le facteur le plus important du système légal des indigènes des îles Trobriand. Leur manière de concevoir le processus de la procréation, corroborée par certaines croyances mythologiques et animistes, est que, sans doute et sans réserve, l’enfant est fait de la même substance que la mère et qu’entre le père et l’enfant il n’existe aucun lien, physique ou autre (voir chapitre 7).

Que la mère contribue en toutes choses à la formation du nouvel être auquel elle doit donner naissance, c’est là un fait que les indigènes acceptent comme certain et qu’ils expriment avec force dans des propositions comme celles-ci : « La mère nourrit l’enfant pendant qu’il est dans son corps; puis, quand il en sort, elle le nourrit de son lait. » « La mère fait l’enfant avec son sang. » « Frères et sœurs sont de la même chair, puisqu’ils proviennent de la même mère. » Ces propositions et d’autres analogues expriment leur attitude à l’égard de ce fait, le principe fondamental de leur conception de la parenté.

Cette attitude se trouve également impliquée, avec plus de relief encore, dans les règles relatives à la descendance, à l’héritage, à la succession dans le rang, à l’attribution du titre de chef, aux offices héréditaires et à la magie, bref à toute transmission par la voie de la parenté. Dans une société matrilinéaire la position sociale est transmise par le père aux enfants de sa sœur, et cette conception exclusivement matriarcale de la parenté joue un rôle de première importance dans les restrictions et réglementations auxquelles est soumis le mariage et dans les tabous portant sur les rapports sexuel&-Ces idées sur la parenté manifestent leur action, avec une intensité particulièrement dramatique, au moment de la mort. C’est que les règles sociales qui président aux obsèques, aux lamentations et au deuil, ainsi que certaines cérémonies, très compliquées, qui accompagnent la distribution de la nourriture, reposent sur le principe que des gens, unis par les liens de parenté maternelle, forment un groupe étroitement serré dont les membres sont rattachés les uns aux autres par l’identité de sentiments et d’intérêts et sont faits de la même chair. Et de ce groupe sont rigoureusement exclus, comme n’ayant aucun intérêt naturel à prendre part au deuil, même ceux qui lui sont unis par le mariage ou par des rapports de père à enfant

Ces indigènes possèdent une institution du mariage bien établie, malgré l’ignorance dans laquelle ils sont quant à la part qui revient à l’homme dans la procréation des enfants. En même temps, le terme « père » a, pour l’indigène des îles Trobriand, une signification claire, bien qu’exclusivement sociale : celle de l’homme marié à la mère, vivant dans la même mai¬son qu’elle et faisant partie du ménage. Dans les discussions sur la parenté, le père m’a été décrit expressément comme un tomakawa, un « étranger » ou, plus correctement, comme un « outsider ». Ce terme est fréquemment employé par les indigènes dans la conversation, toutes les fois qu’ils veulent établir un point d’héritage ou justifier une ligne de conduite ou rabaisser la position du père dans une querelle quelconque.

Il faudra donc que le lecteur soit bien pénétré de cette idée que le mot « père », tel qu’il est employé ici, doit être pris, non avec les nombreuses implications légales, morales et biologiques qu’il comporte pour nous, mais dans un sens tout à fait spécifique et propre à la société dont nous nous occupons. Il eût été préférable, dirait-on, pour éviter toute possibilité de malentendu, d’employer, à la place du mot « père », le mot indigène tama et de parler, au lieu de « Paternité », de « relation tama »…

Que signifie pour l’indigène le mot tama (père) ? « Le mari de la mère » : telle sera la pre-mière réponse que vous donnera un informateur intelligent…

Jusqu’ici le mot tama ne diffère pas essentiellement du mot « père », tel que nous l’enten-dons. Mais à mesure que l’enfant grant et commence à s’intéresser à des choses sans rapport direct avec la maison et ses propres besoins immédiats, certaines complications surgissent et le mot tama prend à ses yeux un autre sens. Il apprend qu’il ne fait pas partie du même clan que son tama, que son appellation totémique est différente de celle de son tama et identique à celle de sa mère. Il apprend, en outre, que toutes sortes de devoirs, de restrictions et de raisons motivant son orgueil personnel l’unissent à sa mère et le séparent de son père. Un autre homme apparaît à l’horizon, que l’enfant appelle kadagu (le frère de ma mère). Cet homme peut habiter aussi bien la même localité qu’un autre village, et l’enfant apprend que l’endroit où réside son kada (« le frère de la mère ») est aussi son « propre village » à lui; que c’est là que se trouve sa propriété et de là qu’il tire ses droits de citoyenneté; que c’est là que l’attend sa future carrière et là qu’il peut trouver ses alliés et associés naturels. Il peut même, dans le village où il était né, être traité d’ « outsider » (tomakava), tandis que dans son village « à lui », c’est-à-dire dans celui où réside le frère de sa mère, c’est son père qui est un étranger, tandis que lui en est un citoyen naturel. Il constate également qu’à mesure qu’il grandit, le frère de la mère acquiert sur lui une autorité de plus en plus grande, réclamant ses services, l’aidant dans certaines choses, lui accordant ou lui refusant la permission d’accomplir certains actes, alors que l’autorité du père s’efface de plus en plus et que ses conseils jouent un rôle de moins en moins important..

…la phase érotique, bien que la plus importante, n’est qu’une des nombreuses phases au cours desquelles les individus des deux sexes se rencontrent et entrent en relations les uns avec les autres. Il est impossible d’étudier cette phase en dehors de son contexte, c’est-à-dire sans la rattacher au statut légal de l’homme et de la femme, à leurs rapports domestiques, à la distribution de leurs fonctions, à la besogne ordinaire de la vie de tous les jours.]
Source Bronislaw Malinowski: « La vie sexuelle des sauvages du Nord-ouest de la Mélanésie ».

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« Frères et sœurs sont de la même chair, puisqu’ils proviennent de la même mère. »

Une évidence!

Zappée chez nous: TOUS les enfants d’une MÊME femme ne s’appellent PAS comme leur mère !

J’ai donné la vie à 7 petits, pourtant, en « réalité », JE n’ai AUCUN enfant, mes

maris, SI !!!

Cherchez l’erreur ?

PS- aujourd’hui la mère peut donner son nom…SI le père est d’accord!!!

Car en cas de désaccord, le nom…Du père est automatiquement donné à l’enfant .

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Auteur : Tingy

Romancière féministe : je viens de publier " Le temps de cuire une sauterelle " :-)) Et de rééditer : "Le Père-Ver" et "Le Village des Vagins" (Le tout sur Amazon) ... et peintre de nombreux tableaux "psycho-symboliques"... Ah! J'oubliais : un amoureux incroyable, depuis 46 ans et maman de 7 "petits" géniaux...

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