(photo perso: Femme/respect d’Oaxaca -Mexique)
Tu seras une femme, ma fille
Si tu peux voir détruit louvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir,
Si tu peux être amante sans être folle damour ;
Si tu peux être forte sans cesser dêtre tendre
Et , te sentant haïe, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter dentendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et dentendre mentir sur toi leurs bouches folles,
Sans mentir toi-même dun mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les Rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans quaucun deux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructrice
Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser, sans nêtre quune penseuse ;
Si tu peux être dure sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudente,
Si tu peux être bonne, si tu sais être sage,
Sans être morale ni pédante ;
Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs dun même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront ;
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras une femme, ma fille.
Poème de Rudyard KIPLING, mis au féminin par Tingy* (prononcer *Tineguy).