Vidéo CNN : attention images terribles que l’on n’est pas obligé de regarder; on peut juste lire l’article.
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Tina Susman – © The Chicago Tribune :
[ Une mince jeune fille à la chevelure noire est traînée par la tête au milieu dune populace vociférante. En quelques secondes elle est à terre, en position ftale, tentant vainement de protéger sa tête dune pluie de pierres.
Quelquun lance violemment un bloc de béton à larrière de sa tête. Une rivière de sang sécoule de sous ses cheveux longs en désordre. La jeune fille cesse de bouger, mais les pierres continuent de tomber, en même temps que les cris de victoire des hommes qui les jettent.
Aux yeux de beaucoup de membres de sa communauté du nord de lIraq, le crime de Duaa Khalil Aswad, 17 ans, était daimer un garçon ayant une autre religion. Elle était membre de la secte religieuse marginale des Yezidis [1], et lui, un musulman sunnite. Pour loncle et les cousins dAswad, cétait une raison suffisante pour la mettre à mort, le mois dernier, dans le village de Bashiqa.
Des groupes de femmes disent que la vidéo montre le glissement vers larriération tandis que lintolérance ethnique et religieuse se renforce.
« Il y a un nouveau contrôle Taliban de la vie des femmes en Iraq », affirme Hanaa Edwar, une activiste de lassociation de femmes iraqiennes, Al-Amal, une organisation non gouvernementale de Baghdad. « Je pense, sans le moindre doute, que cette histoire se répétera. Je crois que si la sécurité nest pas assurée, de telles choses deviendront très fréquentes. »
Le cas a des dimensions beaucoup plus larges en Iraq, où la colère qui en découle montre la discorde ethnique, religieuse et sectaire qui affecte virtuellement tous les problèmes, même le meurtre dune jeune fille.
Cette colère a été alimentée par la diffusion dimages-vidéo prises avec un téléphone portable, qui figurent sur Internet et qui ont été le centre dun reportage de CNN, durant le week-end.
Les Kurdes, dont font partie les Yezidis, soupçonnent les Arabes sunnites de répandre ces images effroyables pour alimenter la colère contre les Yezidis et ébranler la communauté kurde, qui bénéficie dun certain degré dautonomie au nord de lIraq et qui en désire davantage.
« Il semble quils essaient de gonfler lévénement dans des buts politiques », affirme Mohsen Gargari, membre du parlement kurde.
Dans une interview, lui et deux autres parlementaires kurdes ont condamné le meurtre de Aswad. Mais ils ont fait remarquer quen février, une femme sunnite avait été tuée par des membres de sa famille pour avoir eu une relation avec un Yezidi. « Personne nen a parlé. Personne na filmé la scène, ou nen a fait grand cas », dit-il.
ONU : Les crimes dhonneur sont en hausse
Dans un rapport publié le mois dernier, les Nations unies affirment que les crimes dhonneur (meurtres de femmes) sont en hausse en Iraq. Selon le rapport, rien quen janvier et février, au moins 40 femmes ont été tuées pour une prétendue « conduite immorale », allant dun voyage en voiture avec un homme qui nest pas de sa parenté, jusquà un adultère.
Contrairement à la mort dAswad, aucun de ces crimes dhonneur na entraîné des représailles.
Deux semaines après la lapidation du 7 avril, des hommes armés ont extrait dun bus 20 passagers yezidis, au nord de la ville de Mossoul, à environ 20 miles au sud de Bashiqa, les ont mis en ligne devant un mur et les ont abattus. Le jour suivant, un groupe sunnite insurgé, lié à Al-Qaeda, a revendiqué la responsabilité de lexplosion dun car, visant les bureaux dun parti politique kurde dans le nord de lIraq, affirmant que cétait pour venger la mort dAswad.
« Nous prévoyons davantage de violence, mais nous avons déjà payé le prix », dit Mahama Shangali, membre Yezidi du Parlement.
Shangali affirme que trois de ses cousins ont été tués récemment à Mossoul, qui compte une importante communauté yezidie. Edan Ashaik, un Yezidi vivant à Mossoul déclare que, le mois passé, des membres de la secte ont été avertis par des Arabes davoir à quitter la ville. Des étudiants dun collège yezidi ont fui luniversité de cette ville, par peur dêtre agressés.
« Je dois recommencer mes cours lannée prochaine, ou bien me déguiser pour aller passer mes examens », dit Amal Jibor, jeune fille de 23 ans qui voudrait acquérir ses grades universitaires, et affirme quelle et sa famille ont quitté Mossoul et vivent avec des parents dans une maison trop étroite à Bashiqa. Jibor précise que la plupart des Yezidis sopposent à la mort par lapidation, mais elle se fait lécho de lopinion des politiciens, selon laquelle laffaire a été exploitée.
« Cétait un problème ordinaire, mais il a été exploité et transformé en une cause politique », dit Jibor.
Shangali et beaucoup de Yezidis, ainsi que des Kurdes non-Yezidis, sont convaincus que la diffusion de la vidéo fait partie dun complot pour diviser la communauté kurde du nord de lIraq. Ils affirment que cela va retarder la possibilité que les Kurdes procèdent à un référendum prévu pour cette année sur lautonomie pour quelques régions du nord, incluant la ville de Kirkouk et des terres contestées en bordure de la région semi-autonome du Kurdistan. Les Arabes sunnites sont hostiles à lautonomie kurde et sopposent à la tenue du référendum.
« Pour empêcher quil ait lieu, ils ont utilisé cela [le lynchage de la jeune fille] pour constituer une opposition unie aux Yezidis », dit Shangali. Quand on lui demande qui se cache sous ce « ils », Shangali cite les partisans intransigeants de lancien dirigeant iraqien, Saddam Hussein, un Arabe sunnite dont la campagne pour « arabiser » la majeure partie du nord de lIraq a mené au déplacement de centaines de milliers de Kurdes.
Les représailles attirent davantage lattention
Les récits de ce qui est arrivé à Aswad varient, mais certaines choses sont claires. Elle a noué une relation avec un jeune Arabe sunnite. Dans un effort pour séparer le couple et apparemment pour protéger Aswad de la rage de son oncle et de ses cousins, son père la emmenée chez un clerc à Bashiqa. Aswad est restée là une semaine, jusquau 7 avril, quand son oncle et au moins deux de ses cousins ont enlevé la fille.
Un membre de la famille qui ne veut pas quon lidentifie affirme que le père de Duaa Aswad, Khaleel Aswad, a essayé dempêcher le meurtre et a accusé son frère, Saleem Aswad, de lavoir organisé. Le général Wathiq Hamdani, de la police locale, affirme que Saleem Aswad fait partie des personnes recherchées en relation avec la lapidation.
Le récit de la lapidation na encore reçu que peu dattention en Iraq. La nouvelle du meurtre des hommes Yezidis, deux semaines plus tard, apparemment en représailles pour la mort de Duaa Aswad, ont davantage attiré lattention des médias locaux. Des femmes iraqiennes disent que cest le signe de lobsession du pays concernant les implications sectaires et politiques de la violence, aux dépens de la préoccupation pour les droits des femmes, et particulièrement de la mort dune jeune fille.
« Je suis vraiment désolée que nous en soyons venus à traiter les problèmes de cette manière », déclare Ghazan Alyas, une enseignante yezidie vivant à Bashiqa.
« Il y en a qui disent que des forces extérieures sont à lorigine de ce qui sest passé », dit-elle, se référant aux accusations dingérence arabe. « Mais je pense que cest une illusion. La pensée quun tiers soit impliqué dans ce qui est arrivé nest quun moyen de nous exonérer, nous et notre culture ignorante, de nos responsabilités. ]
Source Chicago Tribune. Traduit et mis en ligne le 22 mai 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org
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Pour qu’Aswad « survive » dans nos coeurs…