« LASSUJETISSEMENT DES FEMMES « – John Stuart Mill- Célèbre philosophe et économiste.
» Dans sa vie privée comme dans sa vie publique, il sacharna à démontrer la nécessité daccorder aux femmes légalité avec les hommes, combat dont lapogée fut la publication de ce livre.
Quil sagisse de dénoncer létat de sujétion des femmes ou de revendiquer pour elles, au nom de la justice et de la liberté, le droit à léducation, au travail et au suffrage, Mill apparaît comme le champion de lémancipation féminine. LAsservissement des femmes reste ainsi une uvre primordiale dans lhistoire du féminisme. »
Extraits :
« Je me propose, dans cet essai, dexpliquer aussi clairement que possible les raisons sur lesquelles repose une opinion que jai embrassée dès que mes premières convictions sur les questions sociales et politiques se sont formées, et qui, bien loin de saffaiblir et de se modifier par la réflexion et lexpérience de la vie, nen est devenue que plus forte. Je crois que les relations sociales des deux sexes, qui subordonnent un sexe à lautre au nom de la loi, sont mauvaises en elles-mêmes et forment aujourdhui lun des principaux obstacles qui sopposent au progrès de lhumanité ; je crois quelles doivent faire place à une égalité parfaite, sans privilège ni pouvoir pour un sexe, comme sans incapacité pour lautre. Voilà ce que je me propose de démontrer, quelque difficile que cela paraisse. On aurait tort de supposer que la difficulté que jai à surmonter tient…
… Cest toujours une lourde tâche que dattaquer une opinion à peu près universelle. À moins dun très grand bonheur ou dun talent exceptionnel, on narrive pas même à se faire écouter. On a plus de peine à trouver un tribunal quon nen aurait ailleurs à obtenir un jugement favorable. Parvient-on à arracher un moment dattention, il faut, pour le payer, subir des conditions inouïes. Partout la charge de faire la preuve incombe à celui qui affirme. Quand un individu est accusé de meurtre, cest à laccusateur de fournir les preuves de la culpabilité de laccusé, non à celui-ci de démontrer son innocence. Dans une contestation sur la réalité dun événement historique qui intéresse médiocrement les sentiments de la plupart des hommes, la guerre de Troie par exemple, ceux qui soutiennent la réalité de lévénement sont tenus de produire leurs preuves avant leurs adversaires, et ceux-ci ne sont jamais astreints quà démontrer la nullité des témoignages allégués….
…La présomption a priori est en faveur de la liberté et de légalité ; les seules restrictions légitimes sont celles que réclame le bien général ; la loi ne doit faite aucune exception, elle doit à tous le même traitement, à moins que des raisons de justice ou de politique nexigent que lon fasse une différence entre les personnes. Pourtant ceux qui soutiennent lopinion que je défends ici nont à se prévaloir daucune de ces règles. Quant aux autres, qui prétendent que lhomme a droit au commandement, et que la femme est naturellement soumise à lobligation dobéir ; que lhomme a, pour exercer le gouvernement, des qualités que la femme ne possède pas, je perdrais mon temps à leur dire quils doivent être tenus de prouver leur opinion sous peine de la voir rejeter. Il ne me servirait de rien de leur représenter quen refusant aux femmes la liberté ou les droits dont les hommes doivent jouir, ils se rendent doublement suspects dattenter à la liberté et de se déclarer en faveur de linégalité, et quen conséquence ils ont à fournir des preuves palpables de leur opinion, ou à passer condamnation….
…Les esprits de la plupart des hommes ont besoin dêtre plus cultivés quils ne lont jamais été, pour quon puisse leur demander de sen rapporter à leur propre raison et dabandonner des règles puisées avec le sang, sur lesquelles repose une bonne partie de lordre actuel du monde…
…lopinion favorable au système actuel, qui subordonne le sexe faible au sexe fort, ne repose que sur la théorie ; on nen a jamais essayé dautre, et lon ne peut prétendre que lexpérience, ce quon regarde généralement comme lopposé de la théorie, ait prononcé. Ensuite, ladoption du régime de linégalité na jamais été le résultat de la délibération, de la pensée libre, dune théorie sociale, ou dune connaissance quelconque des moyens dassurer le bonheur de lhumanité ou détablir dans la société le bon ordre. Ce régime vient de ce que, dès les premiers jours de la société humaine, la femme sest trouvée livrée en esclave à lhomme, qui avait intérêt à la posséder et auquel elle ne pouvait résister à cause de linfériorité de sa force musculaire. Les lois et les systèmes sociaux commencent toujours par reconnaître les rapports qui existent déjà entre les personnes. Ce qui nétait dabord quun fait brutal devient un droit légal, garanti pat la société, appuyé et protégé par les forces sociales substituées aux compétitions sans ordre et sans frein de la force physique. Les individus qui dabord étaient contraints à lobéissance par la force, y sont plus tard tenus au nom nom de la loi. Lesclavage, qui nétait au début quune affaire de force entre le maître et lesclave, devint une institution légale ; les esclaves furent compris dans le pacte social par lequel les maîtres sengageaient à se protéger et à se garantir mutuellement leur propriété particulière par lemploi de leur force collective. Dans les premiers temps historiques, la grande majorité du sexe masculin était esclave comme la totalité du sexe féminin. Il sest écoulé bien des siècles, et des siècles illustrés par une brillante culture intellectuelle, avant que des penseurs aient eu laudace de contester la légitimité ou la nécessité absolue de lun et de lautre esclavage. Enfin ces penseurs ont paru ; et, le progrès général de la société aidant, lesclavage du sexe masculin a fini pat être aboli chez toutes les nations chrétiennes de lEurope (il existait encore il y a cinq ou six ans chez lune de ces nations), et lesclavage de la femme sest changé peu a peu en une dépendance mitigée. Mais cette dépendance, telle quelle existe aujourdhui, nest pas une institution adoptée après mûre délibération pour des considérations de justice et dutilité sociale ; cest létat primitif desclavage qui se perpétue à travers une série dadoucissements et de modifications dues aux mêmes causes, qui ont de plus en plus poli la rudesse des manières, et soumis dans une certaine mesure toutes les actions des hommes au contrôle de la justice et à linfluence des idées dhumanité : la tache de sa brutale origine nest pas effacée. Il ny a donc nulle présomption à tirer de lexistence de ce régime en faveur de sa légitimité. Tout ce quon peut dire, cest quil a duré jusquà ce jour, tandis que dautres institutions, sorties comme lui de cette hideuse source, ont disparu ; et, au fond, cest bien cela qui donne un air étrange à laffirmation que linégalité des droits de lhomme et de la femme na pas dautre origine que la loi du plus fort » …
John Stuart Mill (1806-1873) fut également lun des premiers hommes féministes.
Source Wikisource ; consulter larticle dans son intégralité
********************************************************************************************
« il a duré jusquà ce jour »… Parce qu’elles le valent bien !!!
