Domination STRUCTURELLE des hommes sur les femmes ? Oui affirme cette sociologue.

Source : Le journal du CNRS.

Sociologue
Brigitte Lhomond, sociologue, chargée de recherche au Triangle 1, spécialiste des constructions sociales de la sexualité, des rapports de sexe et des violences contre les femmes

Le 25 novembre 2008 a lieu la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, décrétée par l’Onu.

Dans quelle mesure ce problème concerne-t-il encore les Françaises ?

Brigitte Lhomond :
Réalisée en 2000, l’enquête Enveff, première enquête nationale sur les violences envers les femmes, a prouvé que notre pays n’était pas épargné. Menée sur un large échantillon (6 970 répondantes, âgées de 20 à 59 ans), incluant les principales formes de violence (physiques, psychologiques, sexuelles…), dans des contextes variés (couple, famille, espace public, travail…), elle a permis de se faire une idée plus précise de l’ampleur du phénomène. Ainsi, près d’un quart des femmes interrogées ont subi des agressions physiques ou sexuelles au cours de leur vie.
Et un peu plus d’une sur dix déclare avoir subi des violences sexuelles (attouchements forcés, tentatives de viol ou viols) depuis l’enfance. Des données alarmantes, surtout quand on sait que les femmes en parlent avec difficulté et que certaines ont pu, lors de l’enquête, minimiser, voire taire, les agressions dont elles ont été victimes.

Dans quels contextes se produisent ces violences ?B.L. :
Au sein du couple, pour le plus grand nombre. Ainsi, en 2000, une femme interrogée sur dix vivait dans un climat de violence conjugale, subissant insultes, pressions psychologiques, agressions physiques ou pratiques sexuelles imposées. Dans l’espace public (rue, magasins, etc.), une femme sur cinq a subi une forme de violence (pour la moitié d’entre elles, il s’agissait d’injures). Enfin, le contexte du travail est aussi difficile : 17 % des femmes en activité ont dénoncé les pressions psychologiques dont elles ont fait l’objet.

Beaucoup de femmes témoignent de leur crainte de se promener seules la nuit dans la rue, et d’y être agressées par un inconnu…
B.L. : … Et pourtant, la plupart des agressions dans l’espace public ont lieu en plein jour, en public, dans des lieux fréquentés habituellement. De plus, la victime connaît souvent son agresseur. Les résultats de notre enquête ont donc permis de remettre en question bon nombre d’idées reçues. Autre exemple : bien qu’elle soit vécue par les femmes comme un espace protégé, c’est dans la relation de couple qu’a lieu la majorité des violences. Celle du conjoint n’est pas seulement physique : elle se manifeste de multiples façons, dans un continuum qui inclut l’hostilité verbale, le harcèlement psychologique (le plus fréquent), jusqu’à l’agression physique ou sexuelle. La violence conjugale concerne enfin tous les milieux sociaux.

Les victimes ont-elles souvent recours à une aide extérieure ?
B.L. : Rarement. D’abord, parce qu’elles gardent le silence, par honte ou crainte de n’être pas entendues. Néanmoins, leur réaction dépend de leur âge – les moins de 25 ans sont plus loquaces –, du type de violences et de leur lien avec l’agresseur : le secret est d’autant mieux gardé que la violence advient dans une relation intime, et que la victime est dépendante (financièrement, affectivement…) de son agresseur. Toutefois, près d’un quart des femmes agressées dans l’espace public font appel à une institution, notamment le commissariat ou la gendarmerie. Les atteintes subies au travail sont celles dont les femmes parlent le plus, et une femme sur deux s’adresse alors à sa hiérarchie.

Ne trouvez-vous pas qu’il y a tout de même des progrès ?
B.L. : Bien entendu, mais lents… Sous la pression des mouvements féministes des années 1970, les pouvoirs publics se sont emparés du problème. Les transformations juridiques(pénalisation du viol, qualification du harcèlement sexuel comme délit) ont quelque peu facilité les recours judiciaires. À la suite de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin en 1995, qui a enjoint les États à entreprendre des actions dans ce domaine, notre enquête a pu être menée, permettant aux associations de disposer de données chiffrées. Depuis 2000, les lois qui pénalisent les violences conjugales ont été renforcées, et une ligne d’écoute nationale (le 3919) vient d’être mise en place. Des mesures que le Collectif national pour les droits des femmes, qui propose, à l’instar de l’Espagne, une loi-cadre incluant l’ensemble de ces violences, voudrait voir élargies.
N’oublions pas, enfin, qu’une domination structurelle des hommes sur les femmes perdure dans notre société, et que la violence, comme la crainte qu’elle engendre, participe de cette domination. Par conséquent, tout ce qui concourt à renforcer l’autonomie des femmes s’avère globalement un bon moyen pour lutter contre ces violences.

Propos recueillis par Stéphanie Arc

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Auteur : Tingy

Romancière féministe : je viens de publier " Le temps de cuire une sauterelle " :-)) Et de rééditer : "Le Père-Ver" et "Le Village des Vagins" (Le tout sur Amazon) ... et peintre de nombreux tableaux "psycho-symboliques"... Ah! J'oubliais : un amoureux incroyable, depuis 46 ans et maman de 7 "petits" géniaux...

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